Ariane Louis-Seize, 2024 (Canada)
Après une dizaine d’années d’écriture de scénarios et de réalisation de courts métrages, Ariane Louis-Seize signe avec Vampire humaniste cherche suicidaire consentant son premier long métrage et ce film… présente le vampire de cinéma le plus intéressant vu depuis longtemps.
Sasha (extraordinaire Sara Montpetit) a soixante-huit ans. Elle est adolescente. Le vampirisme ça conserve. C’est aussi une vampire qui peine à sortir les crocs. La famille de Sasha, tous vampires de leur état (les chats ne font pas des souris), se tracasse pour une ado qu’elle ne voit pas capable de se débrouiller avec ce que tous considèrent comme un handicap. Elle rechigne à tuer et ne s’abreuve que de poches de sang (comme les enfants ont à la bouche les sachets de compotes à boire)… ce qui aux yeux de ses parents très soucieux ne peut, évidemment pas, durer éternellement. Sasha s’interroge sur ce qu’elle est et sur ses goûts qui la mettent à part. Désespère-t-elle au point de vouloir se suicider au gâteau marbré ? Cependant, en général, les émois adolescents ne préviennent pas et les canines pointent soudain (ce qui est nouveau pour Sasha) dans des situations qui en deviennent même gênantes ; par exemple quand il s’agit de chasser une chair qui vous rendait jusqu’alors indifférente, et prend cette fois les traits de Paul, un jeune homme gauche et attirant (Félix-Antoine Bénard).
Comédie de vampires modernes, on pense un instant à Vampires en toute intimité (Taika Waititi, Jemaine Clement, 2014), toutefois Vampire humaniste préfère aux situations potaches des cousins néo-zélandais, un humour plus fin, souvent pince sans rire. Sasha hérite des tourments d’un Louis de Pointe du Lac (Entretien avec un vampire, Neil Jordan, 1994), encore que ses préoccupations correspondent à l’éveil de la jeune adulte et ses choix l’amènent à s’affirmer en tant que personne. Il y a encore chez Sasha quelque chose de sobre et précieux. Ce n’est pas pour rien que les disques tournent dans ce film comme chez Adam et Eve, les vampires rock gothique et exotiques millénaires de Only lovers left alive (Jim Jarmusch, 2013).
Ariane Louis-Seize maîtrise ses thèmes, l’adolescence et le vampirisme, et offre avec sa coscénariste Christine Doyon une hybridation à la fois sombre et amusante, mélancolique et cocasse. Un teen-movie un peu glauque et tragique mais pas sans romance, ni bel échappatoire. La plus jolie scène, et c’est peu de le dire, est celle de l’écoute du titre sensuel et suranné Emotion de la chanteuse Brenda Lee. La chanson est choisie comme l’accompagnement musical idéal d’un adieu à la vie, mais comme la vie est toujours pleine de surprise, elle révèle en une chorégraphie d’une subtilité folle la naissance d’un vrai frisson amoureux.
Un joli film, que Pascale m’avait donné envie d’aller voir, et que j’ai davantage apprécié que dasola… Je n’avais pas forcément repéré qu’il y avait une « co-scénariste » derrière. J’avoue m’être demandé si les « 68 ans » revendiqués par Sasha n’étaient pas un genre de « frime » pour impressionner le beau Paul…
Encore un film « fragment de vie » dont on aimerait bien savoir ce qu’il s’est passé avant (prédelle) ou ce qu’il adviendra ensuite (suite…)!
(s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola
Pas besoin à mes yeux d’avoir les débuts de la vie de famille de ces vampires ni d’accompagner Sasha au-delà du récit. Ce qu’il y a là est suffisamment plaisant. La représentation de l’adolescence est assez fine, le mythe du vampire joliment réapproprié. Et l’accent québécois est plein de charme, jusque dans les emportements truffés d’insultes. Merci du com’ squatter 🙂
Ah je suis déçu, je l’ai raté celui-ci ! J’avais pourtant quelques occasion d’y aller, mais la flemme de faire 30 minutes de route… J’espère le rattraper !