Sam Raimi, 2007 (États- Unis)
MISE EN PLACE
La première scène, très courte, remet Spider-man à sa place, parce qu’il est personnage de fiction, sur un écran de télévision et fait de Peter Parker son propre spectateur et quasiment son premier fan. Depuis le premier épisode déjà, Sam Raimi s’intéressait à l’homme, voire à l’adolescent, qui incarne Spider-man plus qu’au super-héros. Son intention est la même avec le numéro trois.
La seconde scène présente en un triangle classique les relations qui unissent les personnages et les principaux thèmes choisis pour ce film. Nous sommes au théâtre, Mary-Jane est sur scène et interprète « They say It [love] ‘s wonderful » ; au premier rang, les yeux rivés sur elle, Peter Parker en admiration et fou amoureux ; au balcon, l’ancien ami et nouvel ennemi de Parker, Harry Osborn, qui a également été l’ancien petit ami de M-J et qui ferme le triangle de ses regards portés tantôt sur l’actrice, tantôt sur Parker. L’amour (précisément la difficulté pour un couple de faire face aux épreuves susceptibles de déstabiliser l’équilibre qu’il s’efforce d’instaurer) et l’amitié sont deux des principaux thèmes abordés dans ce nouvel opus des aventures de l’homme-araignée. Les troisième et quatrième scènes décomposent le triangle : Harry Osborn se retrouve seul face au masque du nouveau Bouffon Vert, M-J et PP s’embrassent sous un ciel étoilé dans un hamac-toile d’araignée.
SPIDER-MAN ET JANUS
Le troisième sujet traité est sous-jacent dans la scène du théâtre mais est au centre de la première scène avec Marko Flint (Sandman) apparaissant peu après : « nous avons toujours le choix de faire le bien ». Ce thème touche tout le monde : le futur homme de sable choisit dès le début la criminalité pour arriver à ses fins (soigner sa fille), Harry Osborn lutte avec lui-même pour décider de venger son père de Spider-man ou de pardonner et retrouver son ami, PP lutte avec lui-même pour décider de venger la mort de son oncle ou de pardonner, le nouveau photographe du Daily Bugle (« the other guy » qui n’est autre que la matérialisation du mal que Parker a lui-même semé) sombre dans la vengeance sans se poser d’autres questions… Quand ces luttes ont lieu, elles se voient sur les visages : comme dans le second épisode la moitié du visage de PP est parfois dans l’ombre (avec, attitude ridiculisée, changement de coupe de cheveux assombrissant le visage), et lorsque Harry décide de renoncer à la vengeance, le mal qui l’a possédé laisse des cicatrices sur la moitié de son visage.
ARACHNOPHILIE
Deux ou trois éléments ont fait pour moi tout l’intérêt de Spider-man façon Sam Raimi : la double lecture qui peut être faite de l’histoire, et qui, avec une bonne mise en scène, a donné un goût cinéphilique à ce gros bonbon sucré (respectivement pour les deux premiers épisodes : « l’éjaculation arachnéïde » et « la transfiguration christique », pour reprendre les expressions de Chronic’art, ou plus simplement « de l’adolescence à l’âge adulte » et « la perte de confiance en soi »), la sensation de plaisir et de vertige procurée par les balancements de l’homme araignée entre les gratte-ciels qui va d’ailleurs souvent de pair avec les incroyables scènes d’actions. Heureusement ces ingrédients sont bien présents dans ce nouveau jus d’araignée, même s’il est vrai que la double lecture paraît un peu diluée et que l’efficacité du produit sur nous semble moindre. Nous regrettons un équivalent de la magistrale scène « Doc Oc à l’hôpital » (excellentissime Spider-man 2, 2004), démonstration parfaite de la maîtrise du réalisateur et pur plaisir de spectateur : rien d’équivalent ici. Encore que… Nous irons donc chercher notre plaisir ailleurs.
PLÉTHORE DE BAD GUYS
Sam Raimi décide de s’attaquer à trois thèmes et ceux qui ont suivi ont compté quatre méchants ou quasi méchants (le nouveau Bouffon, l’homme de sable, « the other guy » transformé en Venom, et l’Araignée elle-même devenue mygale noire de latex lorsque le jeune homme qui l’incarne est imbu de lui-même et perd de vue les valeurs qui l’ont fait). Lourd programme. Mais programme tenu, et clairement qui plus est.
QUELQUES CARIES MALGRÉ TOUT, MAIS ÇA SE SOIGNE
Comme un trop plein de sucre ne peut être complètement bon pour la santé, il est évident que le film suspend sur sa toile quelques maladresses. Les deux premiers films en comportaient et les mêmes n’épargnent pas ce troisième volet : Spider-man et le drapeau américain, un public applaudissant et explosant de joie à la vue des exploits du héros, et même ce coup-ci un pompier en premier plan et cadré plein centre ému par le courage de Spidey (la combinaison New York-post 11/09 oblige… nous préférions le discret clin d’œil de l’épisode 1 et l’apparition des deux tours dans un reflet du masque rouge). Ces semblants patriotiques et démagogiques sont cependant tolérables, d’autant plus que le réalisateur les tourne aussi en dérision : la remise des clés de la ville est un passage réellement amusant où Spider-man se met lui-même en scène sous fond de fanfare – avec des gamins trottant partout en costume bleu et rouge – « NY loves Spidey » – et jusqu’au remake du baiser à l’envers, non plus avec M-J comme partenaire mais avec la très concurrente Gwen Stacy (superbe Bryce Dallas Howard, que l’on peut classer aisément parmi les éléments perturbateurs). Certes, d’inutiles explications viennent s’ajouter à ses maladresses : « non Harry, ce n’est pas réellement Spidey qui a tué ton père » (le jeune Osborn ne pouvait-il se rendre compte par lui-même des mauvais choix de son père?), oui c’est une substance venue de l’espace qui rend Peter Parker un peu plus mauvais (PP n’est-il pas suffisamment complexe pour qu’une colère, ou qu’un sentiment de suffisance ne s’empare de lui sans en appeler pour autant aux E.T. ?- voyons-là un résidu du kitsch originel du comic book).
MAESTRIA ET FINAL
Sur le plan de la stricte réalisation, quelques autres scènes assurent au film une plus-value qualitative et c’est ici que nous irons chercher le plaisir manquant tout à l’heure : la création de l’homme de sable et ses premiers efforts de transformation motivés par le médaillon de la petite fille est un passage réussi même si entièrement synthétique ; une courte attaque de ce même méchant tournée quasi entièrement caméra à l’épaule ajoute réalisme et mouvement à l’action ; enfin la scène du clocher est une parenthèse néo-gothique très plaisante (Vertigo toujours… Raimi comme Burton avec Batman, 1989, en pleine évocation hitchcockienne).
La toute fin du film est excellente, parfait reflet de la seconde scène évoquée : l’ami retrouvé Harry n’est plus, le couple peut à nouveau exister et M-J ne peut achever la chanson commencée « I’m thru with love » (rappelez-vous Tout le monde dit I love you de Woody Allen). Peter tend alors une main vers M-J et celle-ci toujours amoureuse la prend avec plaisir. Sam Raimi clôt magnifiquement sa trilogie et craignons à présent qu’un réalisateur de commande ne s’engage sur une suite affadie des aventures de l’homme araignée…
Spider-man 3 n’est pas mon préféré… Dans les comics, Venom est un personnage qui est largement plus malin que dans le film. Ensuite l’Homme de sable est plutôt bien fait lorsque Spidey le transperce de ses poings lors du premier combat. Je n’attends pas vraiment de suite à Spider-man avec Sam Raimi aux commandes (il devrait plutôt continuer dans la lignée de Evil dead), mais plutôt un Chris Columbus ou un Gore Verbinski qui mettraient un aspect moins fantastique à l’homme-araignée. Et on confirme que le scénario de Spider-man 4 est en cours d’écriture, l’homme lézard étant mon méchant favori, je prie pour qu’il soit pris dans le casting.
« Spiderman devrait sauver Obama le jour de son investiture. » (Le Monde, 09.01.09)
J’ai enfin comblé mon retard en voyant ce 3ème épisode de l’homme-araignée… Et il ne m’a pas vraiment laissé une meilleure impression que les deux précédents. Spider-man est pour moi un bon gros divertissement pop-corn hollywoodien grand public avec une débauche d’effets spéciaux spectaculaires, une histoire d’amour bien mièvre, des gentils contre des méchants, etc. Pas mauvais, mais trop superficiel, en tout cas à des années lumières de la profondeur de Watchmen (qui s’impose en un seul et unique film), de l’épaisseur de Dark knight (Batman) ou de l’originalité de Hellboy. Selon moi, le gros point faible de Spider-man est… Spider-man en lui-même. Déjà une trop grosse différence existe entre l’acteur et son double en images de synthèse. Ensuite, c’est l’inconsistance affligeante du jeune Tobey Maguire. Et dire que l’acteur a 34 ans, on lui en donne facilement 10 de moins, sauf que ce n’est pas vraiment un compliment… Trop lisse, trop creux avec son faciès de premier de la classe au regard stupide et hébété. Lorsqu’il devient « très très méchant », que fait-il ? Il laisse tomber sa mèche de cheveux sur le front pour adopter une attitude de « bad boy » (à hurler de rire !). Sic. Quel ridicule (voulu ?!?) lorsqu’il se ballade dans la rue avec une « bogossattitude » en matant toutes les filles qui passent ! Quand à la morale bon marché sur le choix du bien et du mal (simplifiée à l’extrême par un Spider-man méchant tout noir et le bon tout en couleurs…), on repassera. Et bien sûr l’américanisme exacerbé avec le héros en pleine action face au drapeau américain, on est loin du second degré d’ Iron man ou du corrosif Watchmen ! Non franchement, prendre ce Spider-man-là pour autre chose qu’un bon gros blockbuster, un cinéma fast-food divertissant, me fait doucement sourire !
Il y a des éléments dans ton commentaire qui relèvent du simple goût (l’acteur peu crédible, la mièvrerie). Mais rester à la surface de cette trilogie prouve qu’une grande partie des films t’a échappé… Ou plutôt est-ce de la mauvaise foi car je décris avec précision, me semble-t-il, certains des points forts de la mise en scène de Sam Raimi pour ce troisième épisode et souligne la lecture approfondie qu’il peut en être faite. Ne vois-tu donc pas qu’il y a là véritable réalisation ?
En outre, sans Sam Raimi pour donner un peu d’épaisseur aux super-héros sur grand écran, les comics auraient tous conservé la consistance des 4 fantastiques ou d’Iron man… Avant Spider-man 3, quel super-héros au cinéma porte-t-il en lui son propre ennemi ? N’est-ce pas là une idée forte ? N’est-ce pas l’idée maîtresse sur laquelle se ferme The dark knight ?
Tu peux en revanche rejeter l’idée d’un super-héros adolescent ou jeune adulte (d’où Maguire, d’où la nécessité d’avoir un faciès lisse et imberbe) comme tu peux ne pas être convaincu par la métaphore même de chacun de ces films (l’adolescence, les difficultés quotidiennes du jeune adulte, le thème du choix entre le bien et le mal, ce qu’incarne aussi Double-face dans The dark knight), parcouru encore par d’autres thèmes plus secondaires (celui de la responsabilité, de la popularité, de l’amitié)… La trilogie Spider-man est d’une richesse indéniable. Forme et fond se répondent correctement, le ludique et le réflexif se complètent merveilleusement. Avec Spider-man, les critiques emploient pour la première fois l’expression de « blockbuster intelligent » (qu’une poignée récusent par ailleurs).
Tu peux rester imperméable à l’univers (trop peu sérieux en effet ; comment peux-tu croire qu’il n’y a pas de détachement de la part du réalisateur dans les scènes montrant Peter Parker « bad boy« ) mais pas ignorer le travail d’écriture et de mise en scène.
Sur l’avenir de Spidey, voir le commentaire de février 2010 laissé sur la page Wolverine.
c super ce film g même verser ma petite larme à la fin 😉 j’aimerais juste savoir pourquoi Venom se « suicide » à la fin.