Christine Paillard et Chad Chenouga, 2024 (France)
Détresse sociale, deuil, mémoire de la traite négrière, maltraitance, prostitution… On peut en effet s’interroger : de tous ces sujets survolés par le film, qu’est-ce qui peut faire sourire ? Le fond est peu léger contrairement à la forme souhaitée. Christine Paillard et Chad Chenouga racontent l’histoire de deux privilégiés par la misère qui cherchent à mieux vivre, deux laissés pour compte qui, l’un forçant la main de l’autre pour prendre part à ses affaires, finiraient par devenir amis. Les deux loustics qui sont sans toit ni emploi, Wisi et Jérôme (Jean-Pascal Zadi et Raphaël Quenard), se rencontrent en faisant la queue dans une soupe populaire, puis jouent d’entourloupe avec le bon cœur d’une de ses travailleuses sociales, Marina (Emmanuelle Devos). On croit s’amuser avec Jean-Pascal Zadi, gagner en empathie avec Raphaël Quenard, voire en sympathie avec la trop généreuse Emmanuelle Devos… mais ça ne prend pas. Pourquoi tu souris ? ressemble à un Pierre Salvadori qui ne décolle pas. En dehors d’un portrait de marginaux fragiles (plus la mère esseulée, interprétée par Camille Rutherford qu’on a remarquée dans de meilleurs films), les réalisateurs présentent une amitié douteuse à laquelle rien ne nous donne envie d’adhérer.
Le sujet pourrait être la générosité des uns envers les autres, mais le film est aussi gâté en plusieurs endroits, entre autre par le personnage de Raphaël Quenard, qui n’inspire ni confiance ni affection contrairement à Zadi. Le film paraît même aller à l’inverse du sujet à force de montrer la volonté de tous ou presque de profiter des autres. Et puis il y a cette vieille femme (jouée par Judith Magre à qui un dernier rôle semble avoir été donné). Elle est décrite comme une harpie héritière d’une fortune dégueulasse et croit pouvoir tout acheter, embaucher Jérôme et Wizi comme gigolos et mourir devant la tombe d’un ex, car voyez-vous elle aussi a un cœur. Pourquoi tu souris ? ne traite vraiment de rien malgré les portraits des deux lascars en galère, le milieu social décrit et tous les thèmes cités (dès le début, on part sur un faux pas à l’opéra avec un contraste comique qui donnait pourtant envie). Le film se croit comédie sociale et se veut gentil, mais on a du mal à lui concéder aucun de ces mots pour le définir ou bien est-ce tout cela mais très vaguement. Restons général alors et disons qu’il participe à définir son époque.