Marque du tueur, La (Koroshi no rakuin)

Seijun Suzuki, 1967 (Japon)

Yakuzas tournés en ridicule, absurdité d’une mort qui pour le « N°3 » est repoussée jusqu’à la toute fin, touches érotiques et surréalistes : avec La marque du tueur, Suzuki déroute à ce point qu’il se fait virer de Nikkatsu, studios avec lesquels il avait pourtant tourné des dizaines de films. Jo Shishido qui joue plusieurs fois pour Suzuki et qui la même année 1967 campe un yakuza dans A colt is my passport de Nomura, interprète ici le « N°3 », un tueur professionnel alcoolique et fétichiste (il mange du riz comme il fait l’amour). On pense au Grand sommeil (Hawks, 1947) parce qu’on ne comprend pas toujours tout, mais aussi à A bout de souffle (Godard, 1965) ou à Vivement dimanche (Truffaut, 1983) parce que le polar dans ces films est un terrain de jeu. Gros plans et lumières sur les flingues, sur la mallette pleine de billets, sur le téléphone, les motifs propres au genre servent de balises tout au long de cette histoire folle. Les décors urbains ont également leur importance et plusieurs cadrages sont saisissants. Valorisée par le noir et blanc, la ville, que l’on finit par confondre avec l’espace mental du tueur, est totalement déshumanisée. Dans la dernière séquence, le tueur N°3 ayant retrouvé l’esprit de compétition affronte le « N°1 ». Mais Suzuki ne veut pas de héros. N°3 meurt criblé de balles sur un ring après avoir tiré accidentellement sur une éclopée revenue d’entre les morts. Une des premières répliques avertissait le tueur : « plutôt qu’une femme, prends une bouillotte ».

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