Sam Mendes, 2000 (États-Unis)
Il n’y a pas grand chose à redire du quartier, de ses pelouses et de ses petites clôtures blanches. Il n’y a pas non plus grand chose à redire de sa vie : lui, Lester (Kevin Spacey, oscar du meilleur acteur avec ce personnage), est un employé modèle au sourire crispé, sa femme Carolyn (Annette Bening), agent immobilier, fait de la réussite et de l’ambition ses maîtres mots, le 4×4 familial rutile devant le garage. Une prolepse nous révèle que Lester ne profitera pas beaucoup plus longtemps de ce bonheur de façade et que dans quelques mois il va mourir… Ce qui n’est finalement pas pour lui déplaire. Ce père de famille a du mal à communiquer avec sa fille adolescente, Jane (Thora Birch). Les apparences si chères à sa femme l’obligent à des sorties dont il n’a cure et ses frustrations sexuelles ne l’ont guère mené plus loin qu’à d’occasionnelles autosatisfactions. Mais, bientôt, la lolita Angela, jeune amie de sa fille, suscite en lui des envies assez peu morales : il la voit nue dans un bain de pétales rouges. Lester, de plus en plus désabusé par son environnement de papier glacé, quitte sa léthargie et se met en tête de vivre.
La petite banlieue bourgeoise, ses vies de cadres disciplinés, l’adolescente blonde fantasmée, toutes sont beautés américaines (le nom de la variété de roses cultivées par Carolyn) et l’Amérique du Nord n’est alors plus qu’hypocrisie pour Sam Mendes. Certains façonnent ce monde d’apparence (Carolyn, Angela, les voisins homosexuels au panier de bienvenue…), pourtant toute cette beauté engendre aussi des aberrances (Lester, Jane, son voisin dealer et copain morbide…). C’est de l’une de ces aberrances que le malheur frappe un soir de pluie.
Le film n’est pas construit de manière complexe mais les scènes, nombreuses, sont méticuleusement enchaînées. Pour son premier film, Sam Mendes dépeint de manière acerbe et avec une bonne dose d’humour noir tout un pan de la société nord-américaine (c’est le propos, étiré pour le format série télé, de Desperate housewifes) et il se voit largement encouragé dans sa démarche puisqu’en 2000 il rafle, entre autres, l’Oscar du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario, de la meilleure photographie…
Mouais, je suis un peu partagé sur ce film. J’ai envie d’apprécier l’exercice de Sam Mendes, mais en même temps je trouve que finalement, sous couvert de nous présenter une œuvre incroyablement impertinente, voire profondément rebelle (en tout cas c’est comme ça qu’Hollywood nous l’a vendue), le réalisateur nous livre finalement un film bien sage, à la photographie léchée et au message assez creux. Ouaip, tout ceci est finalement bien consensuel et me rappelle en la matière un certain Fight club. Enfin bon, je dis ça, je dis rien.