Samba Diabaré Samb, Le gardien du temple

Laurence Gavron, 2009 (France, Sénégal)

Samba Diabaré Samb chante l’histoire. Ce griot que l’Unesco n’a pas hésité à classer « Trésor humain vivant »* est le gardien du temple Sénégal ; les archives vivantes d’une vaste région qui n’avait pas de tradition écrite avant l’arrivée des blancs et l’annexion du Sénégal par la France au XIXe siècle. Les chants de Samba Diabaré Samb sont des litanies de noms et de louanges. Les généalogies des derniers rois du Sénégal et leurs hauts faits sont racontés au son des tambours, du khine, du lam, du gorong… A toutes ces percussions, le xalam apporte ses propres mélodies de notes molles et pincées. Le xalam, petit luth à trois ou quatre cordes et à caisse allongée, est l’instrument de prédilection de Samba Diabaré (« on distingue aussi les griots grâce à leur instrument »).

C’est naturellement dans le Djolof, le royaume disparu, et plus précisément dans le village de Yang-Yang (paysage jaune et sec de cases éparpillées, charrettes sur pneus tirées par des chevaux circulant en tout sens…) que la caméra de Laurence Gavron vient trouver le vieux griot. Le documentaire explique d’abord la caste de ces « maîtres du verbe » et leur fonction, alors que Samba Diabaré nous parle de l’histoire locale et nationale, sa spécialité, devant les tombes de quelques illustres.

Dans un autre documentaire de la réalisatrice, Yandé Codou Sène rend hommage à Léopold Sédar Senghor face à une statue qui le représente dans son costume d’académicien (Yandé Codou Sène, diva séeréer, 2009). Ici, dans une des premières scènes, face à la statue d’un homme médaillé, Samba Diabaré Samb rend hommage à Alboury Ndiaye, dernier roi sénégalais et dernier gouvernant à s’opposer à la colonisation. Les griots demeurent les fidèles vassaux de leurs nobles, même après la disparition de ces derniers. Le respect qu’ils ont envers ces figures idéalisées est très fort et leurs dithyrambes nous rappellent ô combien leur conception de l’histoire doit tout à la tradition. Au cours d’un plan assez court (deux minutes environ), une chercheuse (française suppose-t-on) explique l’importance et leur intérêt pour les griots historiens ou « griots épiques » qui connaissent les grandes épopées médiévales et modernes de leurs pays. Elle précise d’ailleurs qu’aucun de ces notables connaisseurs, moins encore la population sénégalaise, ne sait différencier l’épopée de l’histoire. Enfin, elle signale l’existence de textes anciens en langues vernaculaires qui appartiennent à différentes ethnies rendant compte des récits passés. L’information ne contredit-elle pas l’absence de tradition écrite rapportée plus tôt et déjà citée ? Nous ne savons pas qui est la chercheuse interrogée. De la même façon qu’il est difficile de connaître l’identité des autres intervenants : membre de la famille Samb, érudits locaux, artistes ? Ces imprécisions, présentes aussi dans le reportage sur la diva séeréer, gênent le propos du documentaire.

La famille et l’entourage, souvent dans des habits d’apparats, font tous honneur à Samba Diabaré Samb et semblent l’estimer exagérément (voir l’intervention de cette femme qui souhaite, presque en colère, que le chanteur vive cent ans, « même deux cents ans ! »). Et Laurence Gavron n’a pas non plus beaucoup de recul dans sa façon de filmer. Le portrait qu’elle dresse est presque hagiographique : Samba Diabaré est exceptionnel et vertueux (ses conseils sont précieux : « Il ne suffit pas d’être bien né, c’est le comportement qui compte »). A notre tour n’exagérons pas, son intention est de faire connaître et de montrer la vivacité de cette culture orale et musicale à travers une figure marquante du Sénégal et, par ce film de transmission, elle y parvient tout à fait.

* Le titre a été créé par l’Unesco pour assurer « une meilleure protection, promotion et transmission des connaissances et savoir-faire traditionnels » (conte, musique, danse…). Selon la définition donnée sur le site internet de l’Unesco : « Les Trésors humains vivants sont des personnes qui possèdent à un haut niveau les connaissances et les savoir-faire nécessaires pour interpréter ou recréer des éléments spécifiques du patrimoine culturel immatériel. » Au Sénégal, Samba Diabaré Samb partage ce titre, entre autres, avec le batteur Doudou N’Diaye Rose et la chanteuse Yandé Codou Sène ; à peine quelques moins avant sa mort en 2007, le cinéaste Ousmane Sembène avait été de la même manière distingué.

Notes publiées sur Kinok en octobre 2009.

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