Le cercle rouge

Jean-Pierre Melville, 1970 (France)

L’ŒUVRE AU NOIR

Une évasion solo, une escapade à deux, puis une conversion en un casse à trois. Des dialogues réduits au minimum pour un film qui s’étire sur deux heures vingt. Les voitures, les impers et les décors tirent le polar français vers le film noir américain. Le cabaret de François Périer aurait pu se trouver sur une artère new-yorkaise. Le restoroute perdu au milieu de nulle part a ses équivalents partout sur les autoroutes US. Filmés dans Le cercle rouge, les paysages plats des campagnes donnent envie de fuir. Mais les pieds dans la boue, les malfrats ont beau courir les kilomètres, toujours la nuit achève de les rattraper ou les ténèbres des placards de les avaler.

Le style de Melville impressionne. L’épure formelle accompagne le pessimisme de l’œuvre, car voyez-vous insiste l’IGS auprès du commissaire Matteï, « Tout le monde est coupable ». Le jeu des acteurs s’accorde à la tragédie en cours. Il faut d’ailleurs retenir la grande sobriété de tous, d’Alain Delon que Melville retrouve après Le Samouraï (1967), de Gian Maria Volonté visage fermé et plus encore de Bourvil au contre-emploi bien senti. Yves Montand quant à lui est à part. Certes moins sanguin qu’à son habitude, son jeu n’est pas pour autant dépourvu d’excès. Melville introduit le personnage en ouvrant d’ailleurs une folle parenthèse.

Depuis trop longtemps dans sa chambre, le flic a pourri. Pris d’une fièvre lovecraftienne, il imagine arachnides et reptiles sortir des rais de la tapisserie pour l’assaillir. Le délire détonne du reste du film. À ce point, que l’aplomb et l’habileté retrouvée de Montand en tireur d’élite sont trop immédiats pour ne pas manquer de cohérence avec la démence qui a précédé. Néanmoins, la mécanique de précision décrite avec le cambriolage de la bijouterie place Vendôme détourne vite l’attention.

La citation liminaire de Raman Krishna est un faux comme l’était l’extrait du Bushido dans Le Samouraï. Le cercle rouge est une invention (qui, si ce n’était une question de genre, se superposerait bien au cercle de mort dessiné en 1966 par Leone dans Le bon, la brute et le truand). Melville y place en bout de course toutes les figures de son histoire et réduit à feu vif. Les motifs de chacun ont toujours été soigneusement tus. Et dans cette liquidation radicale, tandis que la nuit s’achève sans que le soleil ne se lève, les mystères qui les accompagnent restent entier.

2 commentaires à propos de “Le cercle rouge”

  1. Il faudrait que je le revoie, mais c’est le Melville qui m’avait le plus impressionné à l’époque. L’introduction du personnage joué par Montand est en effet marquante.

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