Pierre Salvadori, 2022 (France)
La petite bande, c’est un groupe de collégiens qui se réunit autour de l’idée de sauver la rivière du coin d’une usine polluante. Le motif écologique est central mais s’estompe au fur et à mesure que le film livre ses portraits d’ados chargés de soucis et boostés d’envies. Après une douzaine de films, Pierre Salvadori s’adresse pour la première fois aux huit-dix ans comme aux plus grands et réalise un vrai film familial.
Le début peine néanmoins à nous entraîner, à cause de situations assez convenues et d’un humour sans surprise. L’amusement va donc dépendre en partie de l’expérience du spectateur et de la joie communicative de ses voisins. Cependant, une fois le projet de faire péter l’usine lancé et la sympathie que l’on a pour les jeunes acteurs allant en grandissant (Cat et Aimé en particulier, Colombe Schmidt et Paul Belhoste), grâce aussi à des effets comiques ou à des répliques plus efficaces passées les vingt premières minutes, on finit par se laisser emporter dans l’aventure.
Salvadori ne s’intéresse pas à la géographie des lieux, ni ne creuse les motivations environnementales (l’ancrage territorial corse vite esquissé, l’usine comme le premier employeur des alentours à peine évoquée…). De la rivière, on ne retient que son mouvement, la possible métaphore des gamins qui ont à se frayer un chemin dans la vie comme l’eau entre les pierres, et des bouts de nature que le réalisateur colle dans son récit presque de manière illustrative. Il y a aussi de jolis plans, comme sur ce portique, sous les ombres des arbres, Fouad faisant tomber des bouts de fleurs de son bouquet sur l’épaule de Cat juste en dessous. Ou cette scène de fuite quand les enfants relèvent les grandes branches d’un arbre coupé et s’y collent les uns contre les autres pour échapper à l’hélicoptère de la gendarmerie. La musique de Pierre Gambini apporte d’ailleurs à cette dernière un certain souffle.
Un des atouts du film me semble résider dans le projet des enfants qui jamais n’est perdu de vue : passer à l’acte. Agir, certes, pour l’environnement, puisque l’histoire commence ainsi. Mais quand on est collégien, l’environnement n’est pas la seule des préoccupations. Alors, c’est par exemple agir pour enfin parler à une fille, agir pour se faire des amis ou être avec son père, en bref agir et faire en sorte d’aller mieux soi-même et… ensemble.
Si l’écologie finit par passer au second plan, Salvadori ne se détourne en revanche jamais ni des enfants ni de cette idée de passage à l’acte. Les adultes n’empêchent pas les agissements de la bande et quand le plan foire, le patron séquestré plutôt que l’usine à exploser, la petite bande reste du côté de la contestation et de l’activisme. Les gamins iront jusqu’au bout et acceptent d’en payer le prix (moins de scrupules qu’avec le trio de Kelly Reichardt dans Night Moves, 2013). Pas de pirouette, pas de rétablissement de la morale, les enfants refusent ce qu’on leur impose et cette position-là fait de La petite bande une comédie très respectable.