Loi et l’ordre, La (Righteous kill)

Jon Avnet, 2008 (Etats-Unis)

Je ne le cacherai pas : comme beaucoup de fans, j’attendais beaucoup de cette nouvelle rencontre De Niro/Pacino… Robert De Niro, Al Pacino : ils se sont souvent croisés sur leur parcours respectif (en témoigne le très bel ouvrage de Michel Cieutat et Christian Viviani, Regards Croisés, Nouveau Monde éditions, 2005) et qu’ils aient été gangsters, mafieux ou flics, nombre de leurs rôles se ressemblent. Ils ont également déjà eu l’occasion de jouer dans un même film : tout d’abord dans Le parrain 2 (Francis Ford Coppola, 1975) et plus tard dans Heat (Michael Mann, 1996). Mais dans ce dernier, ils n’avaient qu’une seule scène (mythique !) de quelques minutes ensemble : choix judicieux, car lorsqu’on revoit cet excellent polar, on se délecte de la moindre seconde de ce face à face. Il semble évident qu’il manquait néanmoins un film où l’on pourrait admirer ces deux acteurs côte à côte, avant qu’il ne soit trop tard, du début à la fin : on en a longtemps rêvé, Jon Avnet l’a fait ! Alors certes, ce dernier n’a pas la maestria d’un Scorsese, d’un De Palma ou d’un Coppola, mais avec Righteous kill il s’en tire avec les honneurs.

Ce polar (la traque d’un tueur en série supposé être un flic de par sa manière d’opérer) démarre tel un vidéo-clip avec qui-vous-savez de dos dans un stand de tir, les images défilant rapidement et une musique apportant une bonne dynamique. Le film garde d’ailleurs ce rythme du début à la fin : pas de longueur, tout va très vite et s’enchaîne à merveille… Belle réalisation. Bon, il faut avouer qu’on est principalement là pour scruter les moindres mimiques et répliques de ces deux bêtes de foire, mais si en plus le scénario est prenant (ce qui est le cas), c’est encore mieux ! Car justement, après avoir lu quelques cinglantes critiques, je m’attendais à pire… Ce n’est certes pas LE polar de l’année (oui, il est en dessous de Heat, forcément…), mais un très bon exercice de style. La manière d’amener l’intrigue, comme par exemple le visionnage d’une vidéo tournée après le dénouement final qui s’immisce régulièrement tout au long de l’enquête, rappelle parfois Inside man (Spike Lee, 2005), et pour cause, le scénariste Russel Gewirtz est celui qui a signé les scénarios de ces deux longs métrages.

J’y reviens : le principal intérêt de La loi et l’ordre réside évidemment dans le duo légendaire de Bob et Al. Et celui-ci fonctionne à merveille : la complicité entre les deux acteurs est une vraie évidence et leur rôle de coéquipiers de longue date, unis comme les cinq doigts de la main, est d’une crédibilité à toute épreuve. Difficile de dire qui s’en sort le mieux dans ce jeu-là tant les deux acteurs sont proches et étroitement liés… Je dirais néanmoins De Niro, même si c’est surtout en raison d’un rôle mis davantage en avant. Il en fait des tonnes, surjoue parfois, mais c’est de bonne guerre : c’est aussi ce qu’on attend de lui dans ce genre de films ! On retrouve avec délectation le De Niro un brin psychopathe, viril, macho, expéditif et sans concessions : on a même parfois l’impression en le voyant qu’il va sortir un « You fucked my wife ?! » ou autre réplique culte ! Bref, les traits sont un peu grossis (moins avec Pacino qui est plus sur la réserve et évite ses légendaires coups de gueule). Peu importe, on se régale ! Et surtout (ouf de soulagement !), à aucun moment ces deux acteurs n’apparaissent pathétiques : au contraire, leurs années d’expérience donne une grande tessiture à leurs personnages. L’auto-parodie de Mafia blues (Harold Ramis, 1999), par exemple, n’est pas ici de mise. L’apparition de 50 Cent (Curtis Jackson de son vrai nom) est en revanche bien plus anecdotique et ressemble même à une stratégie commerciale (attirer un peu plus la population de rappeurs qui voue un culte sans faille à des films tels Le Parrain ou bien sûr Scarface).

Et puis après une décennie relativement discrète mais bien plus fournie qu’on veut bien nous le faire croire (on retiendra surtout pour De Niro Les chemins de la dignité de George Tillman Jr., 2001, Père et flic de Michael Caton-Jones, 2004, et Trouble jeu de John Polson en 2005 ; et pour Pacino, Revelations de Michael Mann, 2000, Insomnia de Christopher Nolan, 2002, et La recrue de Roger Donaldson, 2003), La loi et l’ordre est loin d’être un dernier baroud d’honneur pour nos deux Italo-Américains préférés qui ont plus d’un projet en cours ! De Niro retrouvera ainsi prochainement Scorsese dans I heard you paint houses (littéralement « J’ai entendu que tu repeignais des maisons », expression bien trouvé pour un liquidateur !) où il interprétera le rôle de Frank « The Irishman » Sheeran, célèbre tueur à gages de la mafia ; le remake de 36, Quai des orfèvres d’Olivier Marchal (2004) par Martin Campbell est toujours prévu ; et pêle-mêle, il devrait encore jouer pour Michael Mann dans la suite des Infiltrés ou encore dans The winter of Frankie Machine (rien de sûr cependant car le projet, devant être initialement réalisé par Scorsese, est à nouveau le rôle d’un ancien tueur à gages de la mafia… cela ferait peut-être un peu double emploi !). L’emploi du temps de Pacino semble plus calme avec toutefois le rôle de Salvador Dali (ambitieux !) dans Dali and I d’Andrew Niccol et celui du roi Hérode dans Salomaybe réalisé par Al Pacino lui-même.

Rien que pour ces retrouvailles au sommet entre ces deux acteurs de légende (et certainement les dernières), La loi et l’ordre est un véritable événement, n’ayons pas peur des mots !

3 commentaires à propos de “Loi et l’ordre, La (Righteous kill)”

  1. Bel article ! Des acteurs cultes, c’est clair, même si le scénario laisse sceptique a priori (je n’ai pas encore vu le film)… J’hésite encore à aller le voir… Si ce film est historique car réunissant ces deux géants, on pourrait presqu’en dire autant de Forbidden kingdom (Rob Minkoff, 2008), qui avait mis pour la première fois Jachie Chan face à Jet Li. Et il faut dire que c’était un échec d’un point de vue scénaristique ! C’est même le moins qu’on puisse dire !

  2. Oui, j’ai vu aussi Le royaume interdit, belles images, mais vraiment creux et ennuyeux. Ce n’est pas le cas ici, malgré les critiques que j’ai pu lire : après tout il faut se faire son propre avis, mais quand on voit le nom de ces deux acteurs sur l’affiche… Difficile d’être déçu ! Je pense même aller le revoir… En fait j’irai très certainement le revoir.

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