Hudson Hawk, gentleman et cambrioleur

Michael Lehmann, 1991 (États-Unis)

« L’alchimie est en vogue dans les années 90 »

Durant deux décennies, Steven E. de Souza écrit des scénarios de films d’action,Commando (Mark L. Lester, 1985), Running Man (Paul Michael Glaser, 1987) ou Judge Dredd (Danny Cannon, 1995). Parmi ses participations notables, citons encore les premiers volets de Die hard par lesquels Bruce Willis gagnait en notoriété (Piège de cristal, John McTiernan 1988, et 58 minutes pour vivre, 1990 Renny Harlin). Dans Hudson Hawk, l’action n’est plus qu’un ingrédient mêlé à une intrigue conspirationniste foutraque (James Coburn en paramilitaire à la tête d’une petite troupe dont les membres portent des surnoms de barres chocolatées) et à une romance compliquée (avec Andie MacDowell en agent du Vatican). L’ensemble est même introduit par une séquence médiévale dans les ateliers de Léonard de Vinci. Une précision encore pour se faire une meilleure idée de la forme : par les situations, les gags et les dialogues, le film gagne un ton cartoonesque qui l’écarte définitivement du sérieux des premières références citées. Hudson Hawk est un film loufoque qui aura du mal à plaire aux plus de quinze ans. Une idée néanmoins reste distrayante quoique peu exploitée. Bruce Willis et son partenaire Danny Aiello exécutent des cambriolages minutés en chantant des standards de jazz de manière synchrone (comme Swinging on a Star). Les (presque) deux scènes concernées y gagnent en rythme et sont particulièrement entraînantes. Pour le reste, ça ne force pas beaucoup.

Hudson Hawk m’intéresse malgré tout pour baser son intrigue sur le vol d’un cristal qui une fois intégré à une imposante machine permet la transformation de plomb en or. Autrement dit, Hudson Hawk traite à sa façon d’alchimie. Le seul dialogue qui y fait directement allusion est celui copié en suivant. Bruce Willis est fait prisonnier par le couple de mégalomanes déjantés (Richard E. Grant et Sandra Bernhard). Il a les yeux bandés et on lui pose un lingot dans chaque main :

« Alors, dans une de tes serres tu tiens un lingot d’or. Dans l’autre, un lingot de plomb. Un expert peut voir la différence.
– Cool, non ? Poids, toucher malléabilité, mais dissemblables. Séparés par un minable proton de différence.
– De grands esprits ont rêvé de convertir le vil en précieux. L’alchimie est en vogue dans les années 90. J’ai investi quelques lires dans les recherches.
– Nous avons découvert le journal d’un disciple de De Vinci qui décrit avec détails la Macchina de Oro. »

La scène introductive nous montrait en effet le scientifique touche à tout s’affairer devant une grosse machine conçue pour transformer du plomb en bronze. L’histoire qui débute à peine nous parle d’une guerre qui entraîna la raréfaction du bronze (on nous le présente comme s’il était ignoré que le bronze est un alliage). Or, Léonard de Vinci prévoyait la conception d’une statue dans cette matière, la « Sforza », qui « devait être le plus grand bronze jamais réalisé ». Contrarié, Léonard chercha à se procurer du bronze par une machine qui lui permit accidentellement de fabriquer de l’or. C’est amusant car, ce que ne dit pas le film, Léonard de Vinci a écrit un texte assez court (entre 1490 et 1493) qui s’en prend aux alchimistes. Même s’ils ont pu créer des choses utiles, nous dit-il, ils ruinent leur vie et leur esprit en cherchant à créer de l’or (« Contro il negromante e l’alchimista » édité dans Leonardo da Vinci, Scritti letterari, Milan, Rizzoli, 1952).

Dans Hudson Hawk, l’athanor n’est pas un four conventionnel. La machine se sert d’un cristal (sorte de pierre philosophale) composé de trois parties qui réfléchit la lumière du soleil et la concentre dans un mélange chauffé jusqu’à incandescence. On ignore tout de la substance introduite dans le cœur en forme de fleur de la macchina, à part qu’elle est composée de plomb. Le recours au soleil n’est pas une bêtise puisque les alchimistes parlent tout au long du Moyen Âge de la spécificité des lieux souterrains de générations des métaux chauffés au soleil.

Le cambrioleur joué par Bruce Willis se moque de ce qu’il est contraint de dérober (les trois parties du cristal dissimulées dans trois œuvres de Léonard). Il n’ a d’intérêt que pour les cappuccinos et la religieuse jouée par MacDowell. Les vilains de l’affaire, quant à eux, cherchent à dominer le monde, et entendent baser leur puissance sur le stockage d’or artificiel une fois que les marchés du monde entier se seront effondrés. Tout cela est assez approximatif, à l’image du film, et se lancer dans une expérience alchimique à l’heure du trading agressif, fallait y penser.

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