Steven Spielberg, 2002 (États-Unis)
Tourné dans l’ambiance d’un conte de Noël, Spielberg transforme ce récit atypique en une fuite impossible, celle d’un adolescent qui se refuse à la vie d’adulte. Tour à tour pilote de ligne à la Panam, médecin ou avocat, Frank Abagnale Jr. (Leonardo DiCaprio) multiplie les fraudes au point d’emplir ses valises de tout l’argent qu’il peut amasser. Comme un enfant, ne sachant pas s’arrêter, il agit moins dans le but de devenir riche que dans celui d’effacer l’énorme angoisse d’avoir vu son père appauvri par l’administration fiscale et séparé de sa femme (Christopher Walken et Nathalie Baye). Le manque affectif est tel que le faussaire noue même des liens avec son poursuivant. Lors de son arrestation en France (le pays d’origine de sa mère), Frank trouverait presque un nouveau père dans la personne de l’agent du FBI Carl Hanratty (Tom Hanks). A moins qu’il n’ait tenté lui-même de s’y substituer.
La musique de John Williams accompagne la course avec rythme et légèreté. La mise en scène dispose d’idées amusantes (le bout des flingues s’entrecroisant comme des museaux de chien reniflant leur proie) et d’autres plus complexes (le couloir blanc et bleu par lequel Frank s’apprête à repartir, peut-être un cordon ombilical qui paradoxalement l’aurait définitivement coupé du monde adulte ?).
L’enfance retrouvée (E.T., 1982, Hook, 1992, A.I., 2001), la sienne (Spielberg a l’âge de Frank à la même époque), le réalisateur installé dans les années 1960 fait une comédie policière où les inquiétudes pourtant ressurgissent. Une tache de vin au milieu du tapis, les cigarettes qu’un fils n’aime pas voir aux lèvres de sa mère. Sujet touchant et mise en scène inventive, en somme un magnifique Spielberg.
A lire et à voir sur la conception du générique sur le site Art of the title.
Ah, les difficultés du passage à l’âge adulte ; voilà bien le thème majeur de Spielberg qu’il met encore en scène avec brio dans Arrête-moi si tu peux.
Et cela apparaissait dès son premier (télé)film Duel avec ce monsieur Mann (avec deux « n » comme il ne cessait de le préciser) qui avait toutes les difficultés du monde à faire entrer le tuyau d’une pompe à essence dans le réservoir de son véhicule…
Probablement le meilleur Spielberg des années 2000 🙂
Je l’ai revu une troisième fois et ce film reste un très beau film.
J’aime une foule de plans. Par exemple, celui-ci : le regard de Frank quand il entre dans la cuisine, il trouve les parents de sa fiancée dans un doux moment de complicité (Martin Sheen et Nancy Lenehan, la fiancée est jouée par Amy Adams). Ils se balancent hanche contre hanche sur une musique tranquille tout en faisant la vaisselle. On les voit de dos. Frank ne veut pas les interrompre. Il est sûrement d’abord charmé par le moment, mais très vite un peu d’amertume envahit l’expression de son visage. Les parents qu’il n’aura plus.