Joann Sfar, 2010 (France)
L’homme à tête de choux dans des volutes de fumée joue quelques entêtantes mélodies sur son piano noir… Selon le titre, Serge Gainsbourg est donc devenu un héros, un artiste légendaire de la chanson française, et lui consacrer un film est finalement une bonne idée. Surtout lorsque ce dernier est tourné de façon aussi originale, avec une liberté de ton et d’expression que s’est accordée le dessinateur Joann Sfar (lui-même dans la peau de Georges Brassens), s’éloignant ainsi du simple biopic auquel on aurait pu s’attendre. Mais ces films qui jouent avec le souvenir de ces artistes (Coluche, l’histoire d’un mec, de Caunes, 2008), par leurs artifices, ont encore quelque chose d’étrange.
Pour ce « conte », Joann Sfar (dont c’est le premier film) a su aussi apporter ses facéties : le dessin en premier lieu qui apparaît en plusieurs endroits (l’introduction animée particulièrement réussie) et évidemment le double de Gainsbourg, sa « gueule »*, trimbalé depuis l’enfance et extraite d’une caricature antisémite. Une belle trouvaille qui donne au film une dimension presque onirique. Gainsbourg enfant, ou plutôt Lucien Ginsburg (Kacey Mottet), durant l’Occupation, est peut-être davantage que l’adulte ce « héros » : il fait preuve d’une grande audace avec les femmes et défie les collabos de son insolence. Gainsbourg adulte, lui, est porté par Eric Elmosnino, tout simplement stupéfiant ! La métamorphose est totale. Les expressions et les mimiques adoptées ont été très bien cernées. Autour de lui, gravitent les femmes, seconds rôles nombreux et interprétations de qualité : Juliette Grécot, Brigitte Bardot, France Gall, Jane Birkin, Bambou… Ainsi que Fréhel (interprétée par Yolande Moreau, on retrouve d’ailleurs trois ex-Deschiens dans le film !)…
Gainsbourg (vie héroïque) me paraît réussi à la fois grâce à sa singularité et grâce à ses acteurs. Bien sûr la musique compte aussi pour beaucoup ! Car le film fait une sélection de mélodies qui donnent souvent la chair de poule. A l’image de l’artiste, le film oscille entre le grave et le léger, entre le faux et le réel, entre Gainsbourg et Gainsbarre…
* Jouée par Doug Jones, un comédien américain qui a l’habitude des masques et prothèses puisqu’il a déjà incarné Pan dans Le labyrinthe de Pan, Abe Sapien dans Hellboy et Hellboy II (trois films signés Guillermo Del Toro) ainsi qu’un clown en 1991 dans Batman, le défi de Tim Burton.
J’ai pas aimé du tout.
Pourquoi faire un conte ? Alors qu’on est sûrement en présence de la meilleure biographie, de la plus adaptable au cinéma, de la plus captivante. Faire un conte histoire d’éviter toute remarque me gêne beaucoup.
L’introduction dans l’onirique ne convient absolument pas, c’est totalement décalé dans le mauvais sens du terme. Ça renforce le côté « petit enfant » alors que l’univers gainsbourien est plutôt à l’autre extrémité.
Je me suis fait chier mis à part la sublissime performance de la regrettée Lucy Gordon (Jane Birkin).
Lucy Gordon qui avait jusque-là de petits rôles, une journaliste dans Spider-man 3 (Raimi, 2007) et la mannequin un peu cruche dans Les poupées russes (Klapisch, 2005).
D’accord avec toi sur le film.
Réponse à Luc dans les commentaires : justement, pourquoi livrer un énième biopic conventionnel, alors que Sfar montre qu’on peut être original en racontant la vie d’un chanteur ? Le générique est en accord avec la première partie du film.
Mais c’est justement pas ça.
La vie de Gainsbourg adaptée comme telle aurait permis de casser les biopics conventionnels puisqu’elle est tout sauf conventionnelle. Tu peux faire du conte avec n’importe quelle vie d’artiste mais pas Gainsbourg ; le mec qui a la bio la plus riche au monde. Pourquoi tricher avec un réel aussi « cinématographiable » ?
L’impression d’un collage ne me quitte pas. En dehors de la séquence sur l’enfance, les scènes succèdent sans véritable lien, seulement avec pour point commun Gainsbourg et la célébrité et les mimiques (parfois gênantes) qui les accompagnent.
Lors de ce défilé, on se prend donc à noter bêtement chacune des prestations :
Sara Forestier archi nulle en France Gall,
Anna Mouglalis et Laetitia Casta plutôt bien (Casta a même en commun cette naïveté, voire « simplicité », avec Bardot).
Philippe Katerine, lui, s’en tire peut-être mieux que les autres car d’une part il ne ressemble pas à Vian, d’autre part, il ne chante pas comme Vian, mieux il reste lui-même lors du duo improvisé avec Gainsbourg.
Je ne suis pas sûr enfin que Joann Sfar ait vraiment su quoi faire avec l’Occupation et la vie d’un enfant juif à cette époque.
1h30 de film et 1/3 consacré à l’enfance de Gainsbourg ?! C’est beaucoup trop, même si on devine que Joann Sfar s’en sert comme inspiration pour lui comme pour son personnage. D’autant que cette partie mord évidemment sur une partie artistique qui intéresse plus. C’est justement le problème de la fin, comment imaginer que Joann Sfar stoppe son film si tôt (début 80) ?!
A part ça … Quel film ! Original, à la recherche artistique indéniable et à un casting superbe dont Eric Elmosnino bluffant… 3/4