Hoy no tuve miedo

Iván Fund, 2011 (Argentine)




SILENCE, ÇA TOURNE !

Une fiction en deux parties, proche du documentaire, qui dénonce le silence d’un quotidien sans ardeur. Silence…

Regards… Silence. Le silence englobe la totalité du film Hoy no tuve miedo d’Iván Fund. Un silence lourd, preuve du quotidien des deux sœurs Ara et Marianela, et de leur amie d’enfance Lulù. Un mutisme en rythme, soutenu par les gros plans sur les visages des jeunes femmes. Ils sont longs, très longs, comme si ces plans voulaient s’introduire dans les pensées des individus. La caméra tremblante reflète l’incertitude qui émane du film, donnant ainsi l’impression aux spectateurs de regarder un documentaire intrusif.

On ne sait presque rien des personnages : les deux sœurs vivent ensemble, et portent dans leur cœur le poids d’un père malade. Ce père, on le découvre au travers de photos, qui reflètent un passé souriant, vivant, loin du silence d’aujourd’hui. Cette absence de bruit est aussi très présente dans l’atelier de couture où travaille Ara. Personne ne parle, personne ne sourit, comme si cette tache était trop pesante.

CE QU’IL NE FAUT PAS ENTENDRE
Le silence est retentissant dans Hoy no tuve miedo. Lorsque les personnages parlent entre eux, nombreux sont les dialogues qui n’ont pas de portée, vides de sens, comme s’ils ne méritaient pas d’être entendus. L’interprète a d’ailleurs choisi de ne pas les traduire tous, comme si l’ambiance et l’expression des visages suffisaient à interpréter l’émotion de l’instant.

A contrario, lors de la fête du village, la musique s’immisce tel une étrangère dans le film. Elle est forte, saturée, presque insupportable à écouter. Cette musique empêche d’entendre ce qui est dit entre les personnages, comme lorsqu’Ara et un inconnu se chuchotent des paroles au creux de l’oreille. S’agit-il de mots doux lorsque les mains de l’homme se posent sur les hanches de la jeune femme ?

COUPER LE SON
Malgré les silences, le son est prépondérant dans le film. Dans la première partie, la caméra nous invite dans le quotidien des deux sœurs. Marianela est sur son scooter, on entend le bruit tonitruant de l’engin tandis que la scène change pour nous laisser découvrir un paysage magnifique, baigné de soleil. La bande son est aussi parfois en décalage avec l’image, un contraste presque insoutenable. Le panorama invite au silence et à la méditation.

La deuxième partie du film montre les conditions de tournage de l’équipe réalisatrice. Le son est alors très souvent coupé, comme si l’image, une fois encore, devait se suffire à elle-même. Il y a une gêne à faire entrer le spectateur dans la vie des deux femmes et dans celle de l’équipe du film. Des silences sans fin, presque impudiques qui évoquent l’ennui et la perte de passion pour la vie… Mais, malheureusement, aussi pour le film.




Justine Dagorn, pour la 33e édition du Festival des 3 Continents

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