Hirokazu Kore-Eda, 2009 (Japon)
On pénètre dans la demeure des Yokoyama, avec discrétion, à pas feutrés. Ryota, sa femme et son fils sont invités à passer deux jours chez ses vieux parents. La sœur de Ryota, son époux et ses enfants seront là. Les grands-parents réunissent autour d’eux ce petit monde une fois l’an pour commémorer la mort du fils aîné… Le récit ne s’impose pas au spectateur. Lentement, il lui revient de saisir les allusions qui lui permettent de comprendre une histoire familiale qui influence et pèse parfois sur les relations entre les personnages.
Ryota (Hiroshi Abe), la quarantaine, n’ose rien dire de sa délicate situation professionnelle à ses parents. Surtout à son père (Yoshio Harada), ancien médecin, contrarié dans son souhait de voir un jour un de ses fils reprendre le cabinet. Ryota, agacé parce que tous invoquent une normalité qu’il ne connaît pas, est tout d’abord visuellement un personnage hors cadre. Il est grand, se cogne à l’encadrement des portes et, face caméra, apparaît plusieurs fois amputé du front ou des jambes. Cette inadéquation du personnage à ces lieux est la traduction en images d’autres désaccords : sa famille ne répond pas aux critères traditionnels (il s’est marié à une veuve qui avait déjà un enfant) et ses aspirations professionnelles ont dévié au point de décevoir son père.
Les acteurs adoptent tous un ton juste (Yoshio Harada, Kirin Kiki ainsi que Yui Natsukawa et You , la soeur de Ryota, particulièrement touchante) et, pour obtenir à la fois la familiarité qu’ils entretiennent entre eux et la retenue de chacun, leur direction semble avoir été très maîtrisée.
Kore-Eda valorise des gestes anodins ou quotidiens : les mains des enfants qui, suspendues, frôlent des fleurs trop hautes, aussi ceux qui se rapportent à l’art culinaire, dont les femmes, la grand-mère en particulier, se font les expertes. Les deux jours passés chez les Yokoyama s’égrènent au rythme des promenades, la marche quotidienne du vieux père, celles qui amènent jusqu’à la mer ou au cimetière (l’une et l’autre liés au disparu). La fin du film nous plonge dans une mélancolie qui n’était auparavant que latente. Les promesses n’ont pas été tenues mais le relais est transmis, la vie se poursuit. Still walking est un film simple et plein de tendresse. Chaudement recommandé.