Adrian Lyne, 1990 (Etats-Unis)
Il existe malheureusement souvent de grandes injustices dans le cinéma. L’Echelle de Jabob sorti en 1990 en est sans doute une des plus grandes dans le genre fantastique. Un échec commercial pour ce long métrage qui mérite pourtant de grandes louanges. Il faut dire que son réalisateur, Adrian Lyne n’est pas un habitué du style. Le grand public le connait d’avantage pour ses comédies musicales (Flashdance en 1983) ou ses histoires d’amour sulfureuses (9 Semaines 1/2 en 1986). Cette fois-ci, il décide de changer radicalement de genre en s’attaquant à une histoire fantastique racontant le retour d’un soldat de la guerre du Vietnam dans son pays et qui se retrouve en proie à d’incompréhensibles hallucinations démoniaques. Est-il en train de devenir fou ? Les blessures de son passé et sa fragilité psychologique sont-elles les causes de son état, une sorte de choc post traumatique qui le pousse peu à peu dans les ténèbres. Jacob Singer, interprété par Tim Robbins, va devoir partir à la recherche de la vérité… même si cette dernière risque de le détruire complètement.
Passé plutôt inaperçu à sa sortie, ce film était pourtant révolutionnaire à plusieurs égards. L’ambiance tout d’abord est constamment oppressante et on a la chair de poule face aux affreuses visions du héros. New York, où se passe l’ histoire, ne ressemble en rien à une carte postale pour touristes. La ville est sale, grise et humide (on pense à Seven de David Fincher tourné quelques années plus tard). Les rues semblent être abandonnées par les pouvoirs publics et livrées aux ordures et à des SDF atteints de difformités, ressemblant ainsi à des créatures qui n’ont rien d’humain. Adrian Lyne a tout fait pour que le lieu de l’action ressemble à un vaste cauchemar. L’ échelle de Jacob est aussi un film à rebondissements avec une enquête qui se heurtera à des impasses et des fausses pistes avant que toute la lumière soit faite. Le héros Jacob Singer est-il en train de traquer le Diable en personne ou est-ce simplement ses propres démons qui reviennent à la surface ? D’autant que sa vie est marquée par de nombreux malheurs, ainsi la perte d’un être cher ou son engagement au Vietnam ; conflit traumatique avec lequel, même au début des années 1990, les Etats-Unis n’en ont pas fini. Cependant est abordé ici un aspect du conflit encore méconnu et tabou : celui de l’utilisation volontaire de drogues psychotropes sur des soldats.
Vous l’aurez compris, le scénario est très riche et ne tombe jamais à plat. Si on ajoute à cela l’excellente prestation de Tim Robbins en vétéran traumatisé par ses épreuves passées, vous verrez que ce film est sans doute une pierre angulaire majeure dans l’histoire du cinéma d’épouvante. Nous sommes ici bien loin des séries Z pour ados en manque de sensation. Pourtant L’ échelle de Jacob, contrairement à d’autres classiques comme L’exorciste ou La malédiction, n’a pas eu le succès escompté et reste aujourd’hui méconnu du grand public. Peut-être n’est-il pas sorti au bon moment. Il est vrai qu’à l’aube des années 90, ce genre était un peu « passé de mode » (j’en veux pour preuve qu’à cette époque, on ne s’intéressait plus guère au Festival d’ Avoriaz qui était couvert par les journaux télévisés quelques années auparavant). En tout cas, presque 30 ans plus tard, ce film n’a pas pris une ride et mérite assurément d’être redécouvert.
Etienne Prono
Probablement bien différent du merveilleux de Brigadoon, le fantastique apparaissait à sa façon dans Fanny et Alexandre, se révélait dans un gouffre sidéral dans Dark City, en voici une autre approche avec L’échelle de Jacob. Merci Etienne pour ta participation à ces 10 ans !
Depuis le temps que tu en parles, je ne l’ai toujours pas vu. Va falloir que je répare sérieusement cet impair.
J’ai vu L’Echelle de Jabob à sa sortie, et je l’avais énormément aimé. Le genre de films que j’apprécie tellement que j’ai peur de les revoir des années plus tard, par crainte d’être déçue. Je suis donc rassurée quand tu nous dis que le film n’a pas pris une ride. Tout cela me ramène à mes coups de cœur cinéphiles de mes jeunes années. Quid des films Bad Boys de Rick Rosenthal (avec le tout jeune, et déjà excellent, Sean Penn), The Thing de John Carpenter, La Mouche de Cronenberg ou Birdy d’Alan Parker ? 😉
Merci en tout cas pour ce billet, cela fait toujours plaisir de retrouver ces films qu’on a aimés.
Je peux te répondre sur The thing et La mouche. Tu cites deux films fantastiques qui sont toujours dans mon top 10 aujourd’hui. Ils n’ont pas mal vieilli et ont toujours un impact très fort. The thing est toujours aussi impressionnant, sans doute un des remake les plus réussis dans le style, avec un Kurt Russel exceptionnel dans son rôle. Quant à La mouche, ça reste un des sommets dans ce qu’on pourrait appeler « l’horreur organique » si chère à David Cronenberg.
Je viens de voir qu’il passe sur une chaîne ciné alors je vais vite combler ma curiosité pour ce film que je n’avais pas encore vu.
Ca y est, je l’ai vu et j’ai passé un bon moment !
J’ai été vite prise dans le scénario et je dois dire que c’est bien ficelé car ce n’est qu’à la fin du film qu’on comprend bien tous les petits indices qui se sont étalés.