Honor Among Lovers

Dorothy Arzner, 1931 (États-Unis)

Cinéma pré-Code, donc libre, une réalisatrice que l’on commence à peine à redécouvrir et soit-disant la seule femme à faire carrière à Hollywood dans les années 1930, une actrice fameuse croisée chez Sirk et Lubitch, voilà déjà des arguments solides pour s’intéresser à Honor Among Lovers.

Julia Traynor (Claudette Colbert vive et fine d’esprit) est une secrétaire particulièrement compétente et de conseils avisés. La première scène dans un bureau de Wall Street au milieu de tous ces hommes nous le fait vite comprendre. Son patron n’est pas là mais concernant les affaires dont il est question elle sait anticipée, et quoique ces messieurs rechignent, ses décisions semblent les meilleures. Le scénario parle négoce, achat et vente de matières premières, mais c’est surtout d’affaires de cœur dont il s’agit. Julia subit les avances d’un patron trop insistant (Fredric March), se marie avec Philip un jeune opérateur de marché (Monroe Owsley) et se fait licencier pour cette seule raison. Le mariage s’avère malheureux, les placements en bourse ont ruiné le jeune époux qui, assez stupide, s’avère également aussi jaloux qu’ingrat.

Une fois la trame posée, ce qui intéresse le récit est de mettre à l’épreuve Julia, femme harcelée dans sa vie professionnelle, puis au secours de son mari quand celui-ci est aux abois. Dorothy Arzner présente alors avec Julia un personnage d’une grande rigueur morale, soucieuse de justice, malmenée par les hommes et pourtant prête à les aider. Le cinéma contemporaine, post #Metoo en particulier, nous a plutôt habitué à des femmes qui abandonnent leur compagnon, cherche à fuir une emprise ou souvent à se venger. Honor Among Lovers surprend pour montrer l’attitude d’une femme calme et réfléchie, capable d’écarter une main égarée sans que la conversation ne s’en trouve gênée et d’affirmer ses choix sans jamais vouloir nuire.

Dorothy Arzner ne considère pas le mariage comme un contrat heureux. Puisqu’on est dans le monde des affaires, le mariage ici en est une très mauvaise. Alors que Julia aspire au bonheur simple d’une union « officialisée » avec l’homme choisi, son patron, qui a la réputation d’un coureur, veut faire d’elle une secrétaire amante que l’on entretient avec des bijoux et des voyages. Julia refuse et aussitôt le malpropre la rabaisse à régler une affaire avec celle qui la remplacera au lit. À l’arrière-plan de l’histoire, un couple (Charles Ruggles et la toute jeune Ginger Rogers dans un rôle de bécasse) appuie sur un mode plus comique cette l’idée que le mariage n’est source que de malheur. Le sort fait à Philip enfonce le clou.

Les situations et les dialogues sont précis. Le film est assez court. Dorothy Arzner sait exactement où elle va. Grâce au caractère qu’elle insuffle à Julia, Claudette Colbert est des trois rôles principaux celui qui séduit le plus. On regrette simplement la toute fin, et même le dernier plan, qui la voit partir avec le patron. Que Julia fasse ses malles et reprenne son indépendance, c’est la meilleure issue, qu’elle en oublie l’attitude injuste et grossière du patron, ce que voudrait dire ce tout dernier plan, c’est dommage.

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