Dominik Moll, 2025 (France)
Après La Nuit du 12 (2022), Dominik Moll enchaîne avec une autre enquête policière. Il plonge cette fois dans la démarche très procédurale (plus quelques écarts) d’une inspectrice de l’IGPN en recherche de vérité (Stéphanie Bertrand jouée par Léa Drucker impeccable).
Acte 4 du mouvement des Gilets jaunes, lors d’une manifestation parisienne début décembre 2018, un jeune est gravement blessé par un tir de LBD. À l’inspectrice de déterminer si la violence policière a été légitime et, avant cela, de croiser vidéos, témoignages et autres indices pour reconstituer le contexte et mettre un visage et un nom sur le flic au flash-ball. On ne doute pas longtemps de la violence gratuite des forces de l’ordre, en dépit de précautions prises quant à la complexité des situations décrites. Et tout le déroulé de l’enquête sert à démontrer l’incapacité de la police à reconnaître ses fautes et la volonté de couvrir les agressions injustifiées contre les manifestants : en raison du blocage de la hiérarchie qui refuse d’écarter les responsables, de la mythification de la BRI qui avait mené l’assaut contre les terroristes au Bataclan en 2015, de la pression morale exercée contre les enquêteurs de l’IGPN… Dominik Moll cherche tout autant à montrer, à travers Stéphanie, le personnage de Léa Drucker, toute l’amertume ressentie par ceux qui dans la police veulent faire au mieux.
L’opposition est manichéenne. Elle traduit aussi une réalité dans une société très polarisée (et cela même si, encore, un discours de l’enquêtrice dans le bureau de sa chef tente de poser sa propre appartenance aux deux « camps », celui des victimes, en raison de la modestie et de la ville d’origine de sa famille, et celui des policiers). Ce manichéisme est certainement une des limites du film et l’on sent que Moll tente de l’amoindrir par les dialogues et certaines situations. Je pense par exemple à la visite de Stéphanie à la mère du jeune blessé qui brouille les fonctions de l’agent de police puisqu’elle agit illégalement et en son nom. Stéphanie veut par sa démarche remettre de l’affect et de l’humain dans la relation entre elle (voire la police) et la victime, mais fait face au dégoût de la mère qui apprend la mauvaise nouvelle (aucun flic responsable ne sera puni). Stéphanie sort de son entrevue vidée de toute illusion, elle qui a fait du zèle, a travaillé hors des limites de son travail, qui tend la main aux victimes, elle qui n’a que la vérité énoncée par la mère pour accompagner sa mise à la porte, « ce que vous avez fait n’a servi à rien ». Le spectateur se retrouve comme l’inspectrice devant cette idée, la volonté des autorités à ne jamais reconnaître leurs fautes et toujours étouffer les agressions commises.
Dossier 137 rend compte des violences policières, évoque sans insister l’impréparation des forces en présence et les ordres donnés par un gouvernement dépassé (personne n’est cité nommément, Christophe Castaner était ministre de l’Intérieur). On peut accepter le manichéisme qui s’en dégage et la forme du film qui colle à une enquête ingrate et sans action (répétitions des entretiens, détails des démarches administratives, coups de fil, courriers, PV…)… Léa Drucker est convaincante, l’ensemble est rigoureux et rythmé, le sujet des plus intéressants. Mais, alors que La Nuit du 12 accompagnait à sa façon le mouvement de prise de conscience des violences commises contre les femmes, Dossier 137, se voit dépassé par la réalité (comme d’autres films en ce moment, ainsi la farce de Bong Joon-Ho, Mickey 17, 2025). Dossier 137, en effet, sort en novembre 2025, le mois même où Libération et Mediapart publient des preuves accablantes contre les unités de gendarmerie déplacées lors des manifestations de Sainte-Soline en mars 2023, durant lesquelles les forces de l’ordre ont insulté et blessé sciemment les opposants aux méga-bassines (cette fois Darmanin à l’Intérieur). L’actualité est effarante, le cinéma, derrière, peine parfois à apporter du nouveau.

