La danse, le ballet de l’Opéra de Paris

Frederick Wiseman, 2009 (France)




L’œil de Wiseman se glisse dans les moindres recoins de l’imposant bâtiment. Mais ni les murs, bien qu’il descende jusque dans les sous-sols de l’édifice, ni les ornementations sculptées par Jouffroy ou Carpeaux ne l’intéressent. Il pose sa caméra dans chacune des salles de danse et dans les bureaux qui, considérés dans leur ensemble, sont semblables aux alvéoles d’une ruche (la métaphore est soufflée par les plans de l’apiculteur travaillant sur les toits de l’Opéra). Le cinéaste américain regarde tout ce petit monde répéter et mettre en œuvre des spectacles classiques (Casse-noisette de Tchaïkovski, Roméo et Juliette de Prokofiev) ou contemporains (Orphée et Euridice sur une chorégraphie de Pina Bausch, Le songe de Médée par Prejlocaj). Les corps sont étirés, pliés, contraints mais, aux yeux de l’inexpert, tous les mouvements gracieux. Pendant ce temps, la caméra, sur son axe, s’efforce de les suivre ou de les rattraper. Le spectateur, lui, voit une série de mouvements une première fois et les reconnaît ensuite au cours des larges extraits des représentations (à l’Opéra Garnier et à Bastille). Wiseman exerce aussi notre regard en quelque sorte.

Comme il a pris l’habitude de le faire depuis quarante ans (le Metropolitan Hospital de New York dans Hospital en 1970, l’American Ballet Theatre dans Ballet en 1995, La Comedie-Francaise ou l’Amour joue en 1996), le réalisateur décortique une institution : l’abstraction linguistique à laquelle parviennent les professeurs, la directrice artistique de l’Opéra devenue reine mère, un entretien avec un jeune chorégraphe montrant qu’une étoile n’est pas prêtée pour n’importe quelle insignifiance, une réunion permettant de lister les largesses à proposer aux mécènes lors d’une visite exceptionnelle.

Outre le plaisir de voir les corps, de longuement baigner dans l’ambiance des répétitions (de temps à autre, un plan aérien au-dessus des toits parisiens nous permet de reprendre notre souffle) et l’intérêt à comprendre le fonctionnement de l’Opéra de Paris de l’intérieur, deux éléments surprennent dans la réalisation : la quasi absence de spectateurs venant assister aux prestigieux spectacles (pas de salle comble, pas un applaudissement : le succès de l’institution est écarté du documentaire) et le contraste souligné entre la blancheur des danseurs (Marie-Agnès, Ninon, Marie-Sophie…) et la noirceur du personnel d’entretien. A présent, un entrechat et une sortie sur les pointes m’évitent d’aller plus loin…

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