Billy Wilder, 1955 (États-Unis)
L’Autrichien Billy Wilder, comme Hawks de dix ans son aîné, s’est illustré de façon géniale autant dans les sujets sombres (Assurance sur la mort, 1944) que dans les comédies (Certains l’aiment chaud, 1959). Dans ses métrages, les femmes sont souvent réduites à des objets de désir, pourtant ses actrices y brillent de mille éclats : Audrey Hepburn (Sabrina, 1954), Kim Novak (Embrasse-moi, idiot, 1964), Marilyn Monroe… Avec le temps, Sept ans de réflexion est devenu une œuvre « double » : d’une part il s’agit d’une belle comédie où l’humour, pour l’essentiel, prend source dans l’imagination débordante (littéralement jusque dans le cadre) de Richard Sherman (Tom Ewell), monsieur Tout-le-monde qui accompagne femme et enfant à la gare pour les vacances d’été et lutte pendant cette période de solitude contre une ancestrale coutume de chasse (expliquée au cours de l’heureuse digression introductive sur les Indiens de Manhattan), d’autre part il est un des films, avec la scène de la grille de métro, qui a le plus apporté à l’imagerie du mythe Marilyn Monroe (fruit de tous les fantasmes, jamais son nom n’est prononcé dans le film).
LE TRAVAIL DE LA CENSURE
Pourtant, lors de cette célébrissime scène, Wilder, devant céder aux exigences de la censure, « coupe » en deux la star hollywoodienne et la rend un tantinet moins sexy qu’il n’aurait pu le faire (pas de culotte à l’écran !) ; à la promotion et à l’imagination de chacun de combler ce désir… Célébrissime avons-nous dit, pas tant en vérité, tellement l’imagerie populaire s’est substituée au film. En effet, la plantureuse blonde et Richard sortent du cinéma, ils viennent de voir The creature from the black lagoon (Jack Arnold, 1954)*, ce que nous apprend un panoramique vertical (de l’enseigne au trottoir). La caméra les suit en un travelling après les avoir recadrés en un plan américain. La caméra s’arrête, Marilyn découvre la grille du métro et le souffle qui en sort ; elle fait un pas en avant et la caméra opère un second panoramique vertical jusqu’à ses jambes et ses talons hauts. La robe blanche se soulève jusqu’aux cuisses. Le plan suivant est un plan rapproché ; lui, derrière, regarde les jambes de la belle ingénue avec envie. Puis vient un autre métro, la caméra suit le souffle en un beau panoramique, horizontal cette fois-ci, longeant le trottoir et les grilles jusqu’aux jambes de l’actrice, cadrées juste au-dessus du genou. Bref, jamais le film ne répond à la promesse faite sur les affiches et ne montre Marilyn Monroe de tout son corps. Ce qui étonne a posteriori, Wilder alterne ainsi les plans rapprochés, tantôt pour montrer son visage, tantôt ses pieds.
L’INCANDESCENCE RESTAURÉE
Le succès de Sept ans de réflexion est tel que la sensualité de la scène du métro est vite augmentée par les différentes affiches se focalisant sur la robe soufflée, par les photos publicitaires, les posters, aujourd’hui les jaquettes de dvd et bien sûr les représentations mentales contre lesquelles la censure ne pouvait rien. Ainsi, l’image de Marilyn repoussant les bras tendus sa robe soulevée par l’air soufflé est une reconstruction des médias et de l’esprit qui fige définitivement ou presque la jeune actrice dans son incandescence mythique. Les prudes à cette époque et les coups de ciseaux subis par la pellicule ne pouvaient empêcher le potentiel érotique de Marilyn Monroe et même bridé le talent de Wilder transparaît.
* Comme King Kong, le film de série B signé Jack Arnold n’est autre qu’une adaptation de La belle et la bête et participe tout à fait à l’évocation de l’animalité de l’homme en proie à ses appétences sexuelles.
D’autres détails sont donnés sur la censure de ce film par Roy Neary sur Dvdclassik
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Même si le nom du personnage féminin n’est jamais prononcé dans le film on trouve un sympathique clin d’ oeil à l’imagerie du « mythe Marilyn » lors de la scène où la belle se cache dans la cuisine, Tom demande: « What blonde in the kitchen ? » et Richard lui répond: » Wouldn’t you like to know ! Maybe it’s Marilyn Monroe ! »