Quentin Dupieux, 2020 (France)
FILM DE VACANCES : DEUX POTES TRANQUILLES EN ABSURDIE
Je suis sorti du film bien motivé, avec l’envie de rédiger une note bien construite, pleine d’idées, un truc fun et nouveau. J’avais les arguments pour replacer Mandibules dans la filmo de Dupieux et l’inscrire dans une nouvelle vague du cinéma français, décrivant une situation ordinaire à l’échelle de l’individu et auquel le recours à un fantastique discret, sans étonnement, rend toute sa singularité. Puis les jours ont passé. J’ai vu Godzilla vs Kong et j’ai eu la flemme. Alors voilà. Bon… Pfff. Ouais.
2ème paragraphe. J’ai bien aimé Mandibules. Moins exigeant que Le daim (2019) ou même qu’Au Poste ! (2018). Mandibules digère lentement les précédents films de Dupieux, les plans « rappels » foisonnent (un pneu suivi en travelling une seconde, une photo d’ensemble jaunie, des VHS qui traînent…). On a l’impression d’une forme légère sur une surface accessible. On trouve très sympatoches les deux zigotos que rien de farfelu n’effraie, Manu et Jean-Gab (Grégoire Ludig et David Marsais que l’on ne s’étonne pas de trouver chez Dupieux), tous les deux aussi strange que simplets. Attachants en fait. Dupieux soigne son casting, le Palmashow comme jadis Eric et Ramzy, Adèle Exarchopoulos en neuneue hystérique, India Hair qui nous fait faire le lien avec le Poissonsexe de Babinet (2020), Bruno Lochet en vieux babos associal…
Le film parvient à fondre son surréalisme dans le quotidien des copains bras cassés avec évidence. À peine une aventure avec sa panne sèche à dos de licorne et ses rencontres heureuses avec gros baratin, l’histoire est simple comme un jeu d’enfant et directe comme un coup de tête (celui qui met par terre le gars de la caravane par exemple). Et si ça ne se passe pas tout à fait comme prévu, pas d’lézard, une mouche. Avec Mandibules, on ne ruminera pas bien longtemps l’intrigue, mais on appréciera l’amitié à toute épreuve de Manu et Jean-Gab. Alors « Taureau » ou quoi ?
Concis, direct, efficace, je valide ce texte. Taureau d’accord avec tout.
N’y a-t-il pas néanmoins chez cette mouche apprivoisée quelque chose qui vole au-dessus de nos travers sociaux actuels ? Un petit côté railleur qui s’en prend aux enfants gâtés des pays riches, avec villa et piscine, dents longues et mandibules qui brillent, un appétit croissant pour la consommation.
Sous la comédie, il y a quelque chose d’effrayant qui sommeille…