Christopher Nolan, 2002 (États-Unis)
Dépêché en Alaska pour aider à la résolution d’un meurtre, Will Dormer le flic californien ne dort plus. Plongé dans la lumière ininterrompue de Nightmute, le fin policier (Al Pacino), d’habitude si clair et si efficace, a les idées brouillées par manque de sommeil. Sa réputation l’a précédé et sa plus jeune collègue Ellie (Hilary Swank) le prend déjà pour modèle : grande perspicacité et logique implacable que la scène de l’inspection du corps à la morgue sert en démonstration. Cependant, le brouillard s’épaissit au fur et à mesure que les nuits blanches s’enchaînent et voilà Dormer hésitant, confus, chancelant. Dans la brume, il tire une fois de trop et un inspecteur à lui lié tombe. Avec ses repères spatiaux et temporels, Dormer perd aussi son intégrité et le voyage sur cette planète hostile s’avère interminable.
Sur la planète Mann.
Enserré entre deux plans…
… le sien propre et celui de Walter l’écrivain (Robin Williams) après qui il court. Dormer se retrouve enfermé, prisonnier, presque strié par ces lignes qui l’enserrent, sous l’eau après la traversée manquée sur les troncs d’arbres d’une scierie par exemple, ou dans plusieurs plans qui le coincent et l’isolent, ainsi en compagnie de Walter.
Enfermé jusqu’au Tesseract… Sa chambre.
Avec Insomnia, Nolan quitte le cinéma indépendant. De plus, le succès du film lui permet de donner un réel crédit à sa propre société de production, Syncopy, créée à l’occasion pour aider à financer Following (son premier long en 1998) et mise en sommeil jusqu’à Batman begins (2005). Insomnia est le remake d’un polar norvégien du même nom sorti en 1997 (Erik Skjoldbjærg) et même s’il veut faire croire à un thriller dans une ambiance nord américaines (Twin Peaks de Lynch, 1992, pour les forêts de conifères, le brouillard et les cascades en montagne), il met surtout en évidence à force d’espaces mentaux, d’issues condamnées et des réflexions suivies pour en sortir, les tourments d’un personnage qui a cessé d’être un héros, s’épuise et n’aspire plus qu’à dormir, ce qu’il obtiendra in extremis.
Les images parlent d’elles-mêmes, et l’évidence se fait jour dans le réseau complexe de la filmographie nolanienne. Insomnia et Interstellar ne partagent donc pas qu’une initiale !
Bonjour, ton billet me fait penser qu’il faudrait que je revois Insomnia rien que pour Robin Williams dans un premier rôle dramatique. Il y est extraordinaire. Bon dimanche.
Je ne sais pas qui a pensé à Robin WIlliams pour ce rôle dans Insomnia. Non seulement le contre-emploi de l’acteur grimaçant est parfait mais en plus c’est un des rares rôles où je peux l’apprécier. Quand on regarde sa filmographie, on a d’ailleurs l’impression qu’il a lui-même apprécié jouer durant un temps ces personnages inquiétants (Photo obsession de Romanek en 2002, Final cut d’Omar Naim en 2003). Finalement, sans entrer non plus dans le détail, on se dit que l’acteur n’a jamais vraiment joué que trois registres : le pitre, le pygmalion et le psychopathe. Il est aussi attachant quand dans quelques autres rôles il trace un lien entre l’enfance et le merveilleux (Hook, peut-être La nuit au musée).
Woody Allen a vu juste en liant le personnage comique au personnage inquiétant dans ce même acteur, ouf of focus dans Harry dans tous ses états (1997).