Still life

Jia Zhang-Ke, 2007 (Chine)

Jia Zhangke documente par la fiction le gigantesque projet du barrage des Trois Gorges. Il filme les ruines, celles de la ville submergée, Fengjie, et celles de ses habitants. Il filme les mutations des territoires lentement inondés et de ces vies d’hommes qui apprennent à faire avec le fleuve artificiel, s’adaptent ou migrent.

La ville qui se noie, la triste vie des deux protagonistes que nous suivons (l’un cherche sa fille, l’autre son mari), les difficultés des entreprises locales et cette population à la recherche de petits boulots (dont participer à la casse de son propre habitat) établissent un constat assez navrant du projet de barrage. L’eau est partout, sous les pieds et à la bouche des personnages, elle sert aussi de lieu de passage pour les morts… L’eau apporte vie et mort, le barrage, lui, commence par apporter crise et destruction avant le développement espéré.

Dans la revue Zoom Arrière, le numéro 9 spécial Jia Zhangke consacre quatre articles à Still Life, c’est dire s’il a marqué. Antoine Rensonnet s’interroge sur l’émergence d’un tel cinéma dans un espace en bouleversement, en considérant notamment la place des paysages filmés et la manière dont Still Life finalement se pose sur le fil de l’histoire (celle des historiens). Strum livre une vision politique du film par laquelle le réalisateur chinois enregistre le délitement d’une ville, de familles, du corps social, seul capable depuis l’intérieur de faire opposition à l’État. Vincent Roussel revient sur les mutations que Jia Zhangke consigne pour la mémoire et, tout en émettant certaines réserves, fait le point sur le néoréalisme dont le film s’inspire. Enfin, Jean-Luc Lacuve donne une analyse attentive des symboles, puis explore la dimension fantastique du film, autre forme de l’engagement social du cinéaste. Tout en se complétant, ces quatre articles de Zoom Arrière se retrouvent sur la beauté sidérante des paysages et sur le grand intérêt de Still Life pour faire l’histoire de la Chine moderne.

Les quatre articles ont paru dans la revue Zoom Arrière n°9, Les films de Jia Zhangke, 2025, p. 46-51, revue disponible en cliquant sur ce lien :

 

Une réponse à “Still life”

  1. Ouh, la. C’était sorti en même temps que Shrek 3 et Pirates des Caraïbes 3 (sa moyenne baisse à Jojo, non ?)… J’avais vu les trois et, étonnamment, Still life avait pris la première place de mon top 2007 quand les deux autres en avaient été virés sans ménagement. C’était le bon temps, j’allais beaucoup au cinéma et j’avais vu Still Life dans d’excellentes conditions. Ce qui, effectivement, est important.

    C’est tellement beau par instants. En le revoyant très récemment, je me suis rendu compte que j’avais oublié tous ces magnifiques ciels chargés de nuages. Et, puis, bien sûr, ce fleuve qui trouble le réalisateur mais qu’il n’en filme pas moins magnifiquement. Dans l’apaisement de cette vaste étendue d’eau corrélée au tourment qu’elle implique, j’ai même pensé – pas très surprenant que j’ai fait le rapprochement… – à certains plans d’Apocalypse now. Je crois d’ailleurs que Jia Zhang Ke avait cela dans un coin de sa tête. En tout cas, un fleuve, c’est un bon élément visuel, voire un bon véhicule narratif, pour le cinéma. Enfin, l’histoire en mouvement, l’espace qui se transforme, c’est une bonne base de départ. Reste à savoir quoi en faire !

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