Jim Cummings, 2018 (Etats-Unis)
Jim Cummings, illustre inconnu jusqu’à la sortie récente de Thunder road, c’est le p’tit gars qui monte du côté du cinéma indépendant US. Primé au festival de Sundance en 2016 pour son premier court métrage, sélectionné à Cannes cette année et auréolé du prix du jury à Deauville… on a vu pire comme entrée en matière. Thunder road est donc l’adaptation en version longue de son court métrage éponyme et le moins que l’on puisse dire c’est que le bonhomme était attendu au tournant, alors le petit prodige tient-il ses promesses sur la longueur ?
Jim Arnaud (interprété donc par Jim Cummings), officier de police dans une petite ville du Texas, vient de perdre sa mère et tente tant bien que mal de construire une relation avec sa fille après un divorce compliqué. Hypersensible, constamment à fleur de peau et psychologiquement atteint par le décès d’une mère avec laquelle il vivait une relation trop fusionnelle, Jim est au bout du rouleau lorsque son ex-femme décide de l’achever en réclamant la garde exclusive de leur fille. Alors le bonhomme pète un peu les plombs, d’accès de colère en crises de larmes, il fout sa vie en l’air à force de vouloir trop bien faire. Son extrême sensibilité, sa maladresse et cette vulnérabilité qu’il peine tant à cacher lui causent des torts évidents dans sa relation aux autres, au travail comme dans la vie quotidienne, en raison de ses réactions parfois hors de contrôle et souvent disproportionnées au regard des raisons qui les ont déclenchées. Constamment sur la brèche, Jim finit par s’aliéner à peu près tout le monde, se met à dos ses collègues, insulte son chef, qui s’empresse de le mettre à pied, provoque l’ire du juge aux affaires familiales et finit par sombrer dans la dépression.
Autant être honnête, Thunder road n’est pas un film parfait, loin de là, mais ses qualités sont néanmoins évidentes et laissent apparaître un talent incontestable devant, mais aussi et surtout, derrière la caméra. Le scénario n’est hélas pas le point fort du film, on sent bien qu’il s’agit d’un court métrage démesurément allongé, mais contre toute attente l’ensemble fonctionne bien, en dépit d’un rythme pas toujours parfaitement maîtrisé. Thunder road aurait pu n’être qu’une succession de scènes fortes entrecoupées de quelques passages en roue libre, mais le film a une âme et transpire la sincérité. Jim Cummings a incontestablement mis beaucoup de lui même dans le personnage de Jim Arnaud et son interprétation est, disons le tout net, magistrale (la scène d’introduction est à ce titre absolument remarquable). Profondément touchant jusque dans les petits détails, Thunder road est un film d’une grande justesse qui fait sourire (et même rire) aussi bien qu’il nous serre le coeur à de multiples reprises. C’est la raison pour laquelle on lui pardonne volontiers ses défauts de jeunesse, ses petits passages à vide sur le plan de la narration ou bien ses facilités scénaristiques. D’autant plus que le film, en plus d’être doté d’un casting impeccable, dispose de qualités formelles indéniables (jolis cadrages et lumière bien maîtrisée, même si la réalisation reste d’une sobriété exemplaire). Pour un premier film c’est plus que prometteur et on attendra avec impatience les prochaines réalisations de Jim Cummings, qui prouve avec Thunder road qu’il est un véritable auteur ; on espère juste qu’Hollywood ne s’empressera pas de récupérer son potentiel pour le formater à la sauce habituelle.
Partagée sur ce film… disons que je trouve certaines séquences assez bien foutues mais l’ensemble m’a semblé effectivement long, ça s’étire et surtout le film est selon moi très égocentrique !
C’est pas la première fois que je lis cette critique et je ne suis pas tout à fait d’accord, d’ailleurs je ne sais trop si c’est vraiment le film qui est pointé ainsi du doigt ou le personnage de Jim. Bon, admettons qu’il s’agisse de Jim. Ce pauvre garçon est tout d’abord hypersensible et probablement extrêmement fragile, ce qui explique ses réactions très épidermiques et son manque de recul sur la situation. Mais cela s’explique par sa très grande souffrance, qui l’aveugle littéralement. Oui, il s’apitoie beaucoup sur lui-même, mais là aussi qui ne le ferait pas dans une situation identique. Tout le monde n’a pas les mêmes capacités de résilience face à l’adversité. Après je comprends que le côté lacrymal puisse agacer.
Mais à côté de cela, le personnage est capable de délicatesse et de générosité, notamment lorsqu’il rend visite à sa sœur. On voit bien qu’il avait compris sa souffrance à elle et voulait lui offrir le bijou qu’il estimait ne pas être en droit de garder, de même qu’il avait planqué son sac de voyage dans les massifs pour ne pas s’imposer. Même chose au tribunal, il ne charge pas du tout sa femme alors qu’il connaît visiblement des choses qui pourraient la couler auprès du juge, mais il n’en profite pas. C’est pas exactement un comportement égocentrique à mon sens.
Bref, voilà un gars qui n’arrive tout simplement pas à gérer sa charge émotionnelle et qui peut se couper de de son entourage et du reste du monde pour se focaliser sur sa douleur psychique jusqu’à ce que sa propre sensibilité se heurte à celle des autres.
Je comprends tout à fait que le personnage agace et que l’on préfère les hommes qui souffrent en silence, mais Jim a quelque chose de très moderne dans sa manière d’être car il assume sa fragilité et sa souffrance.
Quand je dis égocentrique, c’est pas que dans son comportement – tu as notamment raison pour son attitude envers sa femme – c’est plus la manière dont le personnage existe (on ne laisse par exemple jamais les personnages secondaires exister – du coup certains éléments concernant leur sort semblent sortir de nulle part). Après j’aime bien le projet « lacrymal » justement, mais je sais pas si c’est très bien géré, en tout cas c’est comme ça que je l’ai ressenti !
Ah ok, je comprends mieux ta remarque du coup.