Catherine Hardwicke, 2008 (États-Unis)
En me rendant au cinéma voir Twilight, j’ai retrouvé comme prévu la fan adolescente gloussant à la moindre apparition du beau et ténébreux Edward le vampire, alias Robert Pattinson. Elle était soit accompagnée de ses copines, soit de sa maman (la même qui, surveillant ses goûts douteux et morbides, a dû aussi se rendre aux concerts d’Evanescence et de Tokio Hotel !)…
Rien d’étonnant, Twilight est méticuleusement calibré pour les ados, un teen-movie qui comporte tous les clichés inhérents au genre. En vrac : l’histoire d’amour entre une jeune fille plutôt mal dans sa peau (l’actrice Kristen Stewart, remarquée en 2002 dans Panic room aux côtés de Jodie Foster et en 2008 en jeune chanteuse country dans l’excellentissime Into the wild de Sean Penn), un vampire propre sur lui, les éternels problèmes relationnels avec les parents, le lycée et son bal de fin d’année où chaque fille se demande bien qui va l’inviter (du jamais vu), la scène attendue où de méchants garçons, éméchés par quelques bières, vont bousculer la jolie Bella… Quoi d’autre ? Ah oui, pas mal de scènes où apparaît l’indispensable téléphone portable et ses non moins incontournables sms, une ou deux pubs déguisées, et j’en oublie…
Bref, le mythe du vampire en prend un coup ! Et je n’oserais aucune comparaison avec les classiques du genre que sont Dracula de Coppola (1992) ou Entretien avec un vampire (Neil Jordan, 1994) pour ce ne citer que les plus récents. Non, soyons réalistes : ici nous sommes plus proches du contexte scolaire de Buffy contre les vampires (Joss Whedon, 1997-2003) que d’un véritable travail de fond sur le mythe. Tout est très simplifié à l’extrême et au-delà de 16 ans il sera difficile d’apprécier Twilight. Sans vouloir trop insister, je ne peux m’empêcher d’évoquer un des quelques points qui prêtent à sourire : lorsque le vampirisme d’Edward est dévoilé, il explique à sa bien-aimée pourquoi ceux de sa race craignent la lumière en se risquant à exposer leur peau blafarde au soleil. On s’attend à un bronzage à grande vitesse ou à un coup de soleil des plus intenses. Rien de tout ça : dans Twilight, les vampires évitent la lumière car les pigments de leur peau se mettent à scintiller comme des paillettes argentées !
En étant indulgent, c’est bien filmé, il y a de belles scènes en extérieur (en forêt) et des plans tournés façon vidéo-clip très esthétiques. Mais devant tant de mièvrerie, Twilight est très dispensable au ciné. D’ailleurs, qui sait ?, une adaptation télé viendra peut-être.
Je ne suis pas sûr que la comparaison de Twilight avec Buffy contre les vampires soit très bonne. Dans Buffy, les auteurs ont souvent pratiqué une dérision qui ne paraît pas présente dans Twilight (dis-moi si c’est faux).
Peut-être faut-il chercher davantage du côté de True blood (Alan Ball, 2007) pour une comparaison. Anna Paquin (Sookie) y joue une midinette amoureuse d’un ténébreux vampire (bon, Sarah Michelle Gellar était amoureuse d’un ténébreux vampire, mais c’était une tueuse !). True blood, dans sa première saison, raconte la défloraison de Sookie par le mâle aux dents longues, leur histoire d’amour et les efforts du vampire pour rester avec (ne pas la mordre, boire du sang artificiel, être le plus « humain » possible)… Je n’ai pas vu Twilight, mais de ce que j’ai lu, il semble que le désir féminin soit un vague thème du film.
C’est exactement ça. Mais n’ayant pas vu True blood, je ne pouvais comparer: en tout cas l’abstinence sexuelle des deux amoureux est au coeur du récit et les efforts que fait le vampire pour résister à la tentation de boire le sang de sa compagne humaine également. J’ai comparé à Buffy pour le côté série télé et superficiel… Mais je dois avouer que je n’ai jamais vu un épisode de cette série (je sais pas pourquoi, ça m’a jamais tenté…), alors !
Sinon, dans le même thème sortira en Juin prochain l’adaptation de Blood : the last vampire par Chris Nahon et fin février le troisième Underworld, le soulèvement des lycans.
Le film est divertissant. Les deux protagonistes forment un bon duo et les effets spéciaux restent crédibles. Un film à voir quand on a rien à faire de spécial.
Les livres sont à lire en tout cas.
Je ne résiste pas à reproduire l’essentiel d’un savoureux petit article de Guillemette Odicino sur la sortie en salle et en copies neuves des Prédateurs, le premier long de Tony Scott (1983) :
« Dans les années 80, les vampires n’étaient plus à la mode. Bela Lugosi’s dead, scande une chanson de ce film new wave où boire le sang de l’autre a bien plus qu’une fonction alimentaire. L’amour « pour toujours et toujours », voilà le cœur des Prédateurs. Etre mordu de l’autre pour l’éternité, c’est ce que Catherine Deneuve, belle de nuit, 4 000 ans et fraîche comme la rosée, promet à ses partenaires dans des plans très léchés… Pourtant, Bowie (de plus en plus décomposé) ne sera pour elle qu’un amant de passage (à peine trois cents ans). Elle tentera de le remplacer par la sensuelle Susan Sarandon. Des amours saphiques violentes, car la rousse hématologue est bien trop sanguine…
Aujourd’hui, dans Twilight, les vampires font des manières, refusent leur état, sont devenus chastes et anorexiques. Pour ces petits-fils et petites-filles de la Deneuve des Prédateurs, il faut retenir sa faim. Pas de passage à l’acte. La chair de l’autre, quelle horreur… Grâce à Tony Scott, ces jeunes blancs-becs conviendront sans doute que leur troublante grand-mère avait raison : l’amour est une question de prédation, pour toujours et toujours. »
Publié dans Télérama n° 3082.
Je découvre Twilight avec le troisième chapitre, Hésitation (David Slade, 2010) et reviens, mieux vaut tard que jamais, sur ma tentative de comparaison entre ces films et True blood. La série d’Alan Ball a la décence d’asperger de sang les mièvres courtisaneries mises en scène. La série, à destination d’un « public averti », est relevée de violence et d’humour (ignorés du monde aseptisé d’Edward et Bela). Les vampires, en pleine possession de leurs moyens, y sont donc plus fréquentables !