Jia Zhang-Ke, 2007 (Chine)
Alors que tout le monde (nous y compris) se précipite sur le mauvais troisième épisode de Pirates des Caraïbes (on te pardonne Johnny, une erreur sur dix bons films reste une bonne moyenne) ou le morveux Shrek 3, le hasard ou notre instinct de survie, qui sait ?, nous a conduit hier à aller voir Still life, un film chinois sorti il y a deux mois.
Fengjet ou la cité engloutie
Le sujet est celui des villes et des hommes concernés par le gigantesque projet du barrage des Trois Gorges. Jia Zhang-Ke, filme des ruines, celles des bâtiments et celles de certaines vies. Il filme aussi les mutations des territoires lentement inondés et de ces vies d’hommes qui apprennent à faire avec le fleuve artificiel, s’adaptent ou bien migrent. Il le fait parfois avec un regard d’enfant, d’autres fois avec surprise et originalité (un funambule qui traverse l’écran entre deux immeubles en démolition, des objets quotidiens retenus et leur nom suspendu à l’écran, un élément de « décoration » urbaine qui décolle comme une fusée). La ville qui progressivement s’écroule et se noie, la triste vie des deux protagonistes que nous suivons (l’un qui cherche sa fille, l’autre son mari), les difficultés rencontrées par les entreprises locales et cette population à la recherche de petits boulots (dont participer à la casse de son propre habitat) dont elle a du mal à se satisfaire quand elle en trouve, établissent un constat pour l’instant assez navrant de ce projet de barrage. L’eau est partout dans le film, sous les pieds et à la bouche des personnages, elle sert aussi de lieu de passage pour les morts… L’eau apporte vie et mort, le barrage, lui, commence par apporter crise et destruction avant le développement tant espéré (peut-être après tout moins que la croissance par les dirigeants) dans cette Chine qui encore par de nombreux aspects demeure ancrée, en dépit de ses progrès fulgurants, dans la catégorie des Suds en développement.
Seul inconvénient, les moyens des petites salles ne permettent pas d’apprécier la HD utilisée par le réalisateur. Et selon certains critiques, cette HD participe à la description d’un cinéma en mutation, ce qui ajoute encore un peu plus d’intérêt à l’œuvre.
Ouh, la. C’était sorti en même temps que Shrek 3 et Pirates des Caraïbes 3 (sa moyenne baisse à Jojo, non ?)… J’avais vu les trois et, étonnamment, Still life avait pris la première place de mon top 2007 quand les deux autres en avaient été virés sans ménagement. C’était le bon temps, j’allais beaucoup au cinéma et j’avais vu Still Life dans d’excellentes conditions. Ce qui, effectivement, est important.
C’est tellement beau par instants. En le revoyant très récemment, je me suis rendu compte que j’avais oublié tous ces magnifiques ciels chargés de nuages. Et, puis, bien sûr, ce fleuve qui trouble le réalisateur mais qu’il n’en filme pas moins magnifiquement. Dans l’apaisement de cette vaste étendue d’eau corrélée au tourment qu’elle implique, j’ai même pensé – pas très surprenant que j’ai fait le rapprochement… – à certains plans d’Apocalypse now. Je crois d’ailleurs que Jia Zhang Ke avait cela dans un coin de sa tête. En tout cas, un fleuve, c’est un bon élément visuel, voire un bon véhicule narratif, pour le cinéma. Enfin, l’histoire en mouvement, l’espace qui se transforme, c’est une bonne base de départ. Reste à savoir quoi en faire !