Martin Provost, 2008 (France)
Peu avant la Première Guerre mondiale, à Senlis, vit Séraphine Louis, une femme de ménage un peu simplette, vieille fille, pauvre et très solitaire. Elle vit dans son propre monde, parle aux arbres, aux oiseaux et aux insectes ; très croyante, elle aime aussi aller à la messe, chanter des cantiques, et lorsqu’elle le peut aime peindre avec les couleurs qu’elle se fabrique elle-même en récupérant du sang, de la terre, de la cire… Considérée comme une simple d’esprit, elle est soit humiliée, soit plainte, mais jamais traitée comme une vraie personne, si ce n’est par les bonnes sœurs qu’elle aime cotoyer.
Un jour, alors qu’elle est employée dans une maison, elle fait la connaissance d’un collectionneur allemand, Wilhelm Uhde, célèbre pour avoir découvert Picasso et le douanier Rousseau, entre autres. Lors d’un dîner mondain auquel il participe à contre-cœur, il remarque une toile toute simple, représentant des pommes, posée à même le sol : c’est pour lui une révélation. Quel ne fut pas son étonnement lorsqu’on lui apprend que c’est sa bonne qui a peint ce tableau ! Il décide donc de lui acheter, ainsi que d’autres toiles, et dès lors s’instaure une relation peu conventionnelle entre ce collectionneur de très haute renommée et celle qu’il considère comme un véritable génie.
Mais la guerre arrive et il ne fait pas bon être allemand dans le coin : Wilhelm quitte précipitamment Senlis et Séraphine. Ce n’est que quelques années plus tard, après la guerre, qu’il la retrouve, elle et de nombreuses toiles plus magnifiques encore : au début méfiante (elle pensait qu’il se moquait d’elle), elle a ensuite pris confiance en elle et ne s’est pas arrêtée de peindre, faisant d’énormes progrès. Il décide alors d’exposer ses toiles dans sa galerie, à Paris : le début d’un succès inespéré pour la « bonniche de service », mais aussi le début de la fin pour elle qui, mentalement fragile, ne sait pas vivre ce succès qui lui fait définitivement tourner la tête.
Yolande Moreau est sublime, géniale, totalement habitée et investie dans son rôle. Déjà récompensée par un César en 2004 dans Quand la mer monte (co-réalisé avec Gilles Porte), elle mériterait à nouveau amplement cette distinction pour sa présence remarquable. Séraphine (l’histoire vraie de Séraphine Louis, dite Séraphine de Senlis) m’a fait beaucoup penser à Un cœur simple (Marion Laine, 2008) avec Sandrine Bonnaire, de par son ambiance parfois glaciale, austère (les décors, costumes d’époque et lumières sont très convaincants et réussis) et aussi par le rôle d’une femme de ménage un peu simple d’esprit mais très attachante et attendrissante. Certaines scènes, volontairement longues car tournées du point de vue de Séraphine, sont vraiment poignantes de tendresse et de poésie. Un grand rôle, un très beau film… A voir absolument.