Howard Hawks, 1959 (États-Unis)
Howard Hawks s’est déjà frotté au genre (La Captive aux yeux clairs, 1952), qui plus est avec John Wayne (La Rivière Rouge, 1949). Il réalise Rio Bravo en réaction à la faible figure du shérif vue dans Le Train sifflera trois fois de Fred Zinnemann (1952)*. Le thème est classique (un shérif droit dans ses bottes contre un puissant propriétaire et ses mercenaires), mais l’œuvre emblématique.
Dans la bourgade texane de Rio Bravo, le shérif John T. Chance (John Wayne) a arrêté Joe Burdette, assassin à l’air infatué. Afin de le faire sortir de prison, son frère, le propriétaire terrien Nathan Burdette, envoie ses hommes par vagues successives tirer quelques coups de feu et faire pression sur le shérif et ses adjoints. Chance a décidé de faire venir le shérif fédéral (le marshal) pour s’occuper du criminel, il faut l’attendre six jours durant. Pour l’aider à garder un œil sur le prisonnier et à repousser les mercenaires, Chance est flanqué d’un ivrogne, Dude surnommé « el borachon » par les Mexicains (le très bon Dean Martin), d’un vieil infirme, Stumpy (Walter Brennan), et d’une jeune mais fine gâchette, Colorado (Ricky Nelson). L’équipe de justiciers ne paie pas de mine, elle incarne malgré tout l’ordre et la loi. Ces justes-là ont chacun leur moment de bravoure et de (petite) gloire personnelle, néanmoins c’est leur association qui assure la réussite de leur plan.
Rio Bravo n’est pas dénué d’humour : Chance propose une bière à Dude tout en gesticulant lors d’une réprimande faite à un autre, et Dude ne parvient pas à attraper la bouteille qui lui est pourtant tendue ; plus loin, un baiser de Chance sur le front de Stumpy lui vaut, de la part de ce dernier, un soudain coup de balai au derrière. Le western n’omet pas la chanson des héros ; elle est interprétée à trois (chant, guitare, harmonica) lors d’une veillée à la prison. Elle répond à une mélodie jouée en boucle par des musiciens mexicains à la demande de Burdette, le Deguello (l’air est entonné par les Mexicains lors du siège de Fort Alamo ; il signifie qu’il n’y aura pas de pitié dans les combats).
Winchester à la main et étoile au gilet, Wayne est à nouveau le héros du western. John Ford l’avait habitué au rôle (les films sont nombreux : La chevauchée fantastique, 1939, Le fils du désert, 1948, Le massacre de Fort Apache, 1949, Rio Grande et La charge héroïque, 1950, La prisonnière du désert, 1956…) et il incarne aujourd’hui encore le mythe du cowboy (il ne s’agit plus vraiment du vacher mais, si l’on peut se permettre une acception plus large pour ce terme, du personnage de western). Howard Hawks confère à Rio Bravo une unité de lieu, de temps et d’action, se concentre sur une poignée de personnages (les bons ont une personnalité, les adversaires non ; ajoutons l’absence de concurrence amoureuse, le personnage féminin interprété par Angie Dickinson est au second plan) et pratique une certaine épure dans sa mise en scène (dans l’avenue principale de la ville où les buissons secs sont balayés par le vent, dans les intérieurs d’hôtel, de saloon et de prison, les décors sont plutôt vides). De plus, les scènes d’action sont courtes et peu nombreuses (le film dure plus de deux heures vingt). Loin des charges et des chevauchées, loin des saloons bondés et des fusillades à tout va, Rio Bravo par quelques aspects significatifs, s’impose comme une des dernières productions de l’âge d’or du western.
* Cité par le Ciné-club de Caen, Jacques Lourcelles note ceci : « Pour lutter contre un ennemi plus fort en nombre, un shérif a besoin d’aide. Dans Le train sifflera trois fois, il supplie qu’on lui en donne et n’en reçoit de personne. Ici, il supplie qu’on ne lui en donne pas et en reçoit de tout le monde. »