François Ozon, 2008 (France)
Libre adaptation de Moth, une nouvelle de la romancière anglaise Rose Tremain, Ricky apporte un nouveau genre dans la filmographie déjà très diversifiée d’Ozon (8 femmes, 2001, 5×2, 2003, Le temps qui reste, 2005, Angel , 2007). Ici, dans une banlieue grisâtre, dans un immeuble moche aux cages d’escaliers couvertes de tags, Katie (Alexandra Lamy) vit seule avec sa fille. Elle, pas très joyeuse, ne prenant pas vraiment soin d’elle, travaille en usine. Elle fait la rencontre de Paco (Sergi López) et leur couple se forme après une étreinte dans les toilettes de l’usine. Puis naît Ricky. Dès lors, leur couple bât de l’aile (si je puis me permettre) : Katie se désintéresse de Paco au profit du nouveau-né et les scènes de ménages se multiplient. Jusqu’au jour où Katie découvre des ecchymoses dans le dos de Ricky. Elle est persuadée que Paco l’a frappé et lui, ulcéré par ces accusations, quitte le domicile conjugal. Mais ces bleus et ces bosses ne viennent pas de coups… Ce sont des ailes qui poussent dans le dos du bébé.
Cette fable fantastique aborde le thème de la maternité et, évidemment, les métaphores sont nombreuses. L’histoire vécue par Katie est probablement la reproduction de sa première histoire d’amour. On suppose en effet que c’est en raison d’une sur-protection de son enfant que l’équilibre de son premier couple s’est brisé et qu’elle s’est retrouvée seule avec sa grande fille Lisa (Mélusine Mayance), niant même que le père de celle-ci lui manque. Une situation culpabilisante pour l’enfant, car si Katie est seule, c’est un peu de sa faute. Idem avec Ricky : après la scène dans le supermarché où celui-ci s’envole (« On le trouve où le bébé télécommandé ? ») et que la petite famille est assaillie de paparazzi, elle dit bien : « si on en est là, c’est sa faute ». Le schéma se reproduit donc avec Paco et l’arrivée de Ricky : son homme est rapidement écarté et l’enfant symboliquement mis en cage. De même, lorsque Paco revient et a pour projet d’aller vivre dans un endroit plus spacieux pour le bien de tous, elle refuse.
De l’impérieuse nécessité un jour ou l’autre de couper le cordon ombilical (symbolisé par la corde que la mère lâche par accident et qui permet au bébé de s’envoler). Les ailes de Rickie sont donc une belle métaphore pour dire qu’il grandit, qu’il a vite besoin d’air, d’espace, de liberté pour s’exprimer ou s’accomplir… Plus tard, Katie retrouve son enfant en bonne santé et épanoui… Mais Katie tombe à nouveau enceinte : retour à la case départ et au tout début du film, scène qui par conséquent se situerait après la naissance du troisième enfant.
Ricky est attendrissant et on a mal pour lui lorsque ses ailes poussent. Elles ne sont au départ que des moignons et deviennent ensuite des ailes de chérubin. Les effets spéciaux signés Pierre Buffin sont discrets et réussis (Buffin a tout de même travaillé sur Matrix reloaded d’Andy et Larry Wachowski, 2003, ou The dark knight de Christopher Nolan, 2008 !). Pourtant une incohérence apparaît : lorsque les ailes de Ricky sont sorties (une scène que l’on voit dans la bande-annonce), ce dernier est retrouvé en haut d’une armoire. Il s’est donc envolé, malgré le fait… Qu’il ne puisse pas encore voler ! Car l’apprentissage du vol intervient plus tard dans le film, lorsque des plumes ont poussé.
Le film est faussement léger. Certes il y a des scènes amusantes, on sourit, mais, dès les premières secondes, on se rend bien compte du drame qui se joue. Le quotidien est filmé de manière crue et sans complaisance (dès la scène d’introduction auprès de l’assistante sociale, ou quand Katie, visiblement frustrée, se caresse). La fin est indécise. L’histoire de Katie pourrait ne jamais finir et le merveilleux tenter de percer dans ce quotidien sans jamais y parvenir.
Sergi López avait déjà joué en 2005 dans un film assez proche, Les mots bleus d’Alain Corneau, récemment diffusé sur France3. Il décrit aussi une mère élevant seule sa fille mais, elle, refuse de parler. Deux films pas si différents, même si le sujet est tout autre.
Malgré les bonnes idées et une certaine ambition le film ne s’envole jamais réellement et flirte trop souvent avec le grotesque… 0/4