Alice Winocour, 2019 (France)
Même sans jamais aller dans l’espace, puisque le film raconte les derniers mois sur Terre d’une astronaute prête à partir en mission, Proxima se rattache à sa manière aux films de Damien Chazelle, First man (2018), et d’Alfonso Cuarón, Gravity (2013). A l’instar de ces réalisateurs, Alice Winocour loge dans la part intime de son histoire une relation parent-enfant et fait à son tour le portrait d’un adulte, une femme, qui se définit aux yeux des autres par son statut de « space person », mais demeure, en dépit de son engagement professionnel, absorbée par des affaires terrestres qui la rongent et un enfant qu’elle ne peut tout à fait abandonner.
L’astronaute Sarah Loreau (Eva Green) se partage donc entre son travail et sa fillette, Stella (Zélie Boulant-Lemesle). Son entraînement à Star City près de Moscou, qui est à la fois immersif et intensif, prépare son corps, le transforme et l’habitue aux perceptions qui seront bientôt les siennes dans l’espace (gestes techniques inlassablement répétés, mise en situation dans l’hydrolab, accélérations en centrifugeuse…). Pour autant, cette soumission physique ne lui hôte à aucun moment Stella de l’esprit. A l’inverse, la blessure qui refuse de cicatriser au mollet devient même la traduction psychosomatique de son incapacité à totalement se défaire de sa fille.
Peut-être le film n’ouvre-t-il pas assez sur le fort intérieur de son personnage principal. Peut-être manque-t-il de délivrer un peu de puissance à ses plans de nature (la pluie, la forêt, la nuit). Les poèmes récités ont aussi dû mal à trouver l’écho qu’ils méritent. Et, au final, l’influence revendiquée de Tarkovski, de Solaris notamment (1972), reste très diffuse. Pourtant, à mille lieux du spectacle offert par First man et Gravity, Proxima possède une singularité qu’il ne faudrait pas trop vite négliger, une forme quasi documentaire innervée par les préoccupations d’une mère et d’une astronaute qui veut répondre à toutes les responsabilités qui l’engagent. La vie familiale à Cologne, la quarantaine imposée dans la Cité des étoiles, aux portes du ciel à Baïkonour, Proxima travaille surtout la distance entre la mère et la fille. Dans First man, Neil Armstrong confronté à la béance des cratères lunaires paraissait n’être jamais complètement revenu de son voyage, errant dans un espace périphérique que plus personne ne pouvait rejoindre. Dans Gravity, Ryan Stone partait quant à elle d’une marge lointaine et en orbite, mais trouvait les moyens de revenir sur le sol d’une Terre indispensable. Dans Proxima, Alice Winocour fait le trajet inverse. Elle part du centre, de la relation essentielle et physique entre Sarah et Stella, et achève son récit au décollage de la fusée. La mère est arrachée au sol terrestre, mais, grâce à la dernière parenthèse partagée avec sa fille, la réalisatrice évite le déchirement humain. Un peu comme si Ariane avait accepté de laisser là un fil tendu entre ciel et Terre.
J’avais bien aimé le film. Je le préfère à Away, la série Tv,un peu trop larmoyante.
C’est difficile de ne pas se projeter dans les pensées de cette femme partagée entre son désir de partir dans l’espace et laisser sa fille. Cruel dilemme..
C’est marrant parce qu’en ce moment les Ladies astronautes sont légions dans les romans SF, avec ces mêmes choix cornéliens, partir dans l’espace ou alors laisser un mari mourant par exemple.
Pas entendu parler d’Away, mais peu de chance que je sois du voyage, trop de séries tue les séries.
Parmi les femmes des étoiles, il faut compter Nathalie Portman dans Lucy in the sky de Noah Hawley, film tout récent inspiré des aventures astronautiques de Lisa Nowak (peut-être en photo d’ailleurs au générique de fin de Proxima ?).
Ah merci. Finalement ces films sont intéressants pas tant pour l’aventure spatiale,mais pour l ’analyse psychologique des personnages et leur questionnement sur les dilemmes dans les familles et la société.
Mais le film montre bien que le dilemme de cette mère s’assouplit au bout du compte . C’est le message que je retiens.
Pas vu, et pas spécialement tenté à priori. Mais je dois avouer que tu m’as bien cueilli avec cet article qui fait ressortir l’intérêt profond du film, une sorte de préparation à la communion cosmique entre générations.
Beaucoup aimé, loin d’être un space movie, il s’agit avant tout d’un très joli portrait de femme. Eva Green est une fois de plus merveilleuse.