Tony Scott, 1983 (États-Unis)
Les contre-jours et partout la lumière diffuse, les longs rideaux et les persiennes dans de nombreux plans, ce bleu qui domine quelques scènes, de même les profondeurs de champ dans les décors néo-classiques, toute l’ambiance visuelle de ce premier film de Tony Scott rappelle Blade runner (1982). C’est encore le cas des volutes de fumée ou d’autres allusions aux polars noirs américains (la tenue de Bowie à l’hôpital, imper et chapeau). Jusque dans les associations symboliques puisqu’on trouve des colombes dans la pièce où Miriam entrepose les cercueils de ses anciens amants (dans une des dernières scènes de Blade runner, Roy tient une colombe avant de mourir).
Les prédateurs, que Tony Scott adapte du roman éponyme de Whitley Strieber (1981), possède donc une belle atmosphère. La première partie, qui met en scène le brusque vieillissement de John, développe cette atmosphère et l’enrichit de mystères. Introduite par le fameux Bela Lugosi’s dead de Bauhaus, elle intrigue par une longue séduction maniérée que conclut un double meurtre fétichiste. Qui est ce couple que John forme avec Miriam Blaylock depuis le XVIIIe siècle (David Bowie et Catherine Deneuve) ? Pourquoi John est-il soudain si vulnérable ? Le mot vampire n’est pas prononcé et les créatures ne répondent pas tout à fait aux exigences de la tradition, mais les veines saillantes, l’amour et l’immortalité nous renseignent. La deuxième partie du film est moins réussie car l’atmosphère se perd dans les effets envahissants de montage et de son. Pourtant même mal filmée (quel érotisme ?), la scène d’amour entre Deneuve et Sarandon sur fond de Delibes est devenue culte (ne vaut-elle pas à l’actrice française son statut d’icône pour la communauté gay et lesbienne ?).
Chic, mode et new-wave, intrigant quand il dilate le temps et traite de l’angoisse de la mort, Les prédateurs est le seul film fantastique de Tony Scott. Il est aussi le seul qui situe la femme au sommet de la chaîne biologique.
En effet, Tony Scott semble particulièrement influencé par le style de son frère dans Les Prédateurs. Le film ne survit pas à la disparition du personnage de Bowie. Son remplacement par celui de Sarandon ne prend pas du tout et le film ne fait que dérouler des événements dont le spectateur a déjà compris la teneur. C’est dommage.
Bonjour Ornelune, je garde un souvenir ému de ce film vu à l’époque de sa sortie. Il a eu son petit succès et pourtant les critiques avaient été assassines. Bonne journée.
Tout est-il à jeter dans Les prédateurs ? Non, et c’est là que naît une légère frustration. Nonobstant une mise en scène trop précieuse et un montage agressif, le film suscite l’intérêt tant que le personnage de John Blaylock occupe l’écran. Ce pauvre bougre qui vit un véritable drame en se sentant dépérir à petit feu alors que Miriam lui avait justement promis la vie éternel. Le clou du spectacle n’est donc ni à chercher dans les ébats de midinettes entre Miriam et Sarah, ni même lors de l’explosion d’horreur du final, mais dans cette scène tristement quotidienne d’un homme patientant dans une salle d’attente, et à laquelle le fantastique, par petites touches, confère une dimension surréaliste. Guère pris au sérieux par cette même Docteur Roberts qui, à son insu en précipite la fin, John vieillit de 50 ans en l’espace de quelques heures. Une scène saisissante qui tend à rendre prégnant le mal qui le ronge. Il ne souffre pas tant de vieillir que du manque d’amour de Miriam, veuve noire autant que vampire, dont les promesses de vie éternelle ne durent que le temps de ses sentiments. Le vampirisme n’est donc pas tant vu comme une maladie que comme un acte d’amour, empreint de tares typiquement humaines, l’égoïsme au premier chef. Cette promesse d’éternité n’est qu’un leurre que Miriam fait miroiter à ses conquêtes pour n’avoir jamais à vivre seule. De même que l’amour que ces vampires dispensent ne résiste guère à leur soif de vivre.
Objet de curiosité plus que grand film, Les prédateurs demeure à part dans la carrière de Tony Scott. Quelque peu échaudé par la mauvaise réception du film, il met dès lors de côté ses visées expérimentales pour se fondre dans le moule du blockbuster hollywoodien. Alors qu’il avait refusé Flashdance pour réaliser Les prédateurs, il ne décline pas la seconde proposition du duo Bruckheimer/Simpson : Top Gun . Un succès qui en appellera d’autres pour un résultat le plus souvent impersonnel.