João Nuno Pinto, 2019
1917. Pas de tranchées. Ni fortifications, ni barbelés. Seulement la brousse à perte de vue : un autre no man’s land aux confins du monde. C’est comme un autre enfer pour les soldats de la Grande Guerre. C’est également un enfer pour les populations locales colonisées, violentées et en partie détruites.
Comme Sam Mendes (1917, 2019), João Nuno Pinto se souvient des récits de son grand-père, jeune soldat portugais décidé à en découdre sur le front français et envoyé finalement défendre les colonies de sa mère-patrie en Afrique orientale. Là-bas, en Rhodésie, avec 200 soldats et 2000 askaris (les troupes indigènes allemandes), le général « qui peut tout » Lettow-Vorbeck lance des offensives qui surprennent tout le monde et contre lesquelles les Alliés demeurent impuissants. Zacarias (João Nunes Monteiro), lui, ne sera jamais pris dans un combat contre les Allemands, ni ne verra jamais la pointe d’une de leurs baïonnettes. Le jeune homme, décidé coûte que coûte à rejoindre sa compagnie, arpente la savane. D’abord avec deux porteurs noirs, puis par sa faute, seul. Il traverse des dizaines et des dizaines de kilomètres en territoire Makua. La nature, inquiétante pour l’Européen qui la découvre, lui impose son immensité et le renvoie désespérément à sa solitude. La faim, la fièvre et le paludisme lui font aussi perdre progressivement la raison.
Le temps passe et, comme ces deux jeunes gens dans Gerry (Gus Van Sant, 2002), Zacaria avance. Le film historique s’évanouit dans la végétation basse et sèche sous les pas du marcheur sans repère. L’épisode à la marge de la Première Guerre mondiale et sans réelle conséquence sur le conflit européen s’ouvre alors progressivement sur une odyssée nouvelle. Sur le chemin, le garçon fait différentes rencontres : un colon fou anachorète malgré lui, une communauté de femmes (qui, suppose-t-on, se retrouvent seules à cause des blancs et de la guerre), un déserteur allemand… Zacaria avance et cherche à échapper à cet espace qui semble vouloir l’asservir.
Au fur et à mesure du périple, le titre trouve une explication, car il n’y a pas de moustique dans le film. Mosquito, c’est Zacaria, sa petitesse et sa fragilité rappelées sur un territoire et vis-à-vis des indigènes qu’il croyait dominer de son évidente supériorité européenne. Or il n’en est rien. La civilisation occidentale blanche remise en question dans la tête du garçon, le voilà contraint de différentes manières de se confronter à l’autre. Il fait donc l’apprentissage de la différence et on se dit, compte tenu du traumatisme évident qu’il subit, et même s’il ne perd ni œil ni mâchoire, que le film compte peut-être néanmoins une gueule cassée. Sujet neuf, expérience nouvelle, deux ans après la fin du Centenaire, la Première Guerre mondiale au cinéma a donc de quoi encore surprendre.
Voilà une bien intéressante proposition de cinéma que je n’avais pas identifiée à sa sortie.
Les films traitant de la guerre dans les colonies ne sont pas nombreux. J’ai en mémoire celui de Jean-Jacques Annaud, La Victoire en chantant, bien différent de ce qui se profile dans ce Mosquito.
En salle le 25 mars 2020 ! 😉
Je me tiens donc prêt !