Jean-François Richet, 2008 (France)
Il y a des films qui vous « mettent une claque », ou plutôt un coup de poing… L’intensité dramatique du dénouement est portée à son paroxysme et, on a beau connaître la « fin de l’histoire », on n’en demeure pas moins extrêmement tendu. Le film s’achève donc dans un bain de sang Porte de Clignancourt le 2 novembre 1979, mort évoquée par l’affiche du film superbe et « christique ».
>Comparer les deux volets me paraît inutile, tout autant que de savoir lequel est meilleur, tant pour moi L’instinct de mort et L’ennemi public n°1 ne forment qu’un seul long métrage. Je ne suis donc pas trop d’accord lorsque j’entends dire que les deux parties sont bien différentes ; certes les personnages qui gravitent autour du célèbre gangster ne sont plus les mêmes (on ne retrouve dans cette suite que ses parents), mais la seconde partie reprend exactement là où on l’avait laissée. La réalisation est tout aussi semblable que dans la première partie et la qualité aussi époustouflante.
L’ennemi public n°1 retrace les événements les plus marquants de la carrière criminelle de Mesrine, ceux qui ont fait de lui la légende à laquelle on consacre aujourd’hui pas moins de deux films à gros budget. Rien n’est mis de côté : sa verve, son baratin et son arrogance légendaire lors de son procès, ses évasions spectaculaires, ses nombreux braquages (dont celui du casino de Deauville), le kidnapping du milliardaire Henri Lelièvre, le tabassage presque à mort d’un journaliste de Minute qui avait osé écrire un papier négatif sur lui… Et sa mégalomanie qui lui faisait prendre des risques inconsidérés, ainsi qu’à ses proches. Il s’agit de l’époque où il joue avec la presse, accordant une interview à Paris-Match, rédigeant sa propre autobiographie (largement exagérée comme le montre justement le film), menaçant même le ministre de l’intérieur, Alain Peyrefitte ! Bref, on comprend alors que cette « vedette du crime », l’ennemi public n°1, dérange au plus haut niveau, fait peur aux policiers qui ne peuvent le tenir derrière des barreaux (quatre évasions tout de même !)… Le seul moyen d’arrêter Mesrine est tout simplement de l’éliminer, de le mettre « dans une cellule dont on ne s’évade pas ». Et il en était bien conscient, puisqu’il le dit de ses propres mots dans un enregistrement qu’il avait fait pour sa compagne, Sylvia (Ludivine Sagnier).
Malgré mes réticences à voir défiler des vedettes du cinéma français dans un film qui ne se veut pas grand public, L’instinct de mort mettait néanmoins en avant un grand Depardieu et une étonnante Cécile de France. L’ennemi Public n°1 possède cette même qualité : des seconds rôles remarquables dont Mathieu Amalric, exceptionnel en François Besse, et un non moins excellent Gérard Lanvin, méconnaissable ou presque en Charlie Bauer. Même Samuel Le Bihan, qui pourtant ne m’a jamais véritablement marqué, est on ne peut plus crédible. Il s’est d’ailleurs engagé à fond dans l’aventure en prenant, comme Vincent Cassel, 20 kilos supplémentaires pour rentrer dans la peau de son personnage. Toutefois, une fois de plus, c’est vraiment Vincent Cassel qui crève l’écran. Et au risque de me répéter, il interprète sûrement là le plus grand rôle de sa carrière. Son implication est totale et son jeu d’acteur absolument ahurissant : il est tout simplement Mesrine. Sa plus grande force n’est d’ailleurs pas seulement d’avoir pris 20 kilos, de se donner totalement dans les scènes d’action (et des fusillades il y en a !) ou d’être étonnamment véridique dans son attitude et sa façon de s’exprimer, de se comporter… Non, ce qui m’a le plus marqué en lui, c’est sa capacité à tout dire par un simple regard. Au chevet de son père mourant il est bouleversant, et lorsqu’il revoit sa fille qui a grandi au parloir de sa prison, on a la gorge nouée…
L’ambiance des années 1970 est impeccable (tout comme dans Les liens du sang de Jacques Maillot, 2008), avec plusieurs extraits de journaux télévisés de l’époque ; on retrouve même deux références directes à la bande à Badeer qui sévissait à la même période en Allemagne ! Le hasard a voulu que La bande à Badeer (Uli Edel, 2008) sorte en même temps : ça tombe bien ! Comme il est justement indiqué au début du film, Mesrine est un biopic qui comporte aussi une part de fiction : même si la grande majorité des événements se sont déroulés tels quels, il est évident que beaucoup de scènes ont été enjolivées, ou tout du moins adaptées pour le cinéma. Voilà aussi pourquoi cette saga Mesrine propose un spectacle nettement supérieur à La bande à Badeer, plus terne et linéaire.
Avec ce diptyque, Jean-François Richet réalise un véritable chef-d’œuvre du polar français.