Sam Mendes, 2009 (États-Unis, Angleterre)
Onze ans après Titanic de Cameron, le couple Leonardo DiCaprio, Kate Winslet se reforme… Bien moins romanesque aujourd’hui que par le passé, le couple risque de beaucoup moins faire rêver, tant il ressemble à bon nombre de couples déjà existant. Car tout le propos de Noces rebelles est là : le drame du quotidien, la tragédie du couple qui s’enlise dans un train-train formaté dans les conventions sociales, le politiquement correct et les bonnes relations de voisinage… Abandonnant par là même ses idéaux et toute la force vitale liée à ses rêves et à sa jeunesse.
Les Wheeler, Frank et April ont tout du couple modèle : Monsieur travaille dans une entreprise prospère, Madame s’occupe de leurs deux enfants dans leur belle maison blanche située dans un quartier résidentiel où il fait bon vivre. Les voisins sont sympathiques et souvent ils se retrouvent pour un apéritif de convenance où ils échangent de jolies banalités… Malgré ce bonheur de façade, ce n’est pas la vie qu’ils espéraient : ils voulaient être différents et font comme tout le monde.
Ce conformisme est formidablement bien mis en image, par exemple lorsqu’on voit Frank, anonyme au milieu d’une foule uniforme de messieurs en costume gris, cravate et haut de forme… Ou bien April sortant les poubelles, parfaitement alignées dans la rue, semblables aux poubelles des autres voisins. Une vision d’horreur pour elle qui commence à se rendre compte de l’un univers aseptisé dans lequel elle vit. Un jeu de poupées grandeur nature. Avant qu’il ne soit trop tard, elle décide de tout changer : après une violente dispute, elle convainc son mari de tout quitter pour vivre en Europe, à Paris. Repartir à zéro. Frank qui déteste son travail pourra ainsi prendre le temps de réfléchir à ce qu’il veut vraiment. On s’apercevoir très vite que les chaînes qui les lient à leur petit confort ne sont pas faciles à briser… Et la décision radicale est remise en question…
Les noces rebelles est une petite merveille sur l’enfer du quotidien, le déchirement banal, la résignation et l’illusion du bonheur offerte par une société fade et ennuyeuse. Un drame de la vie quotidienne parfaitement retranscrit, où les effets miroirs entre voisins (de la même tranche d’âge où, en perspective d’un avenir morose, plus âgés qu’eux) est on ne peut plus parlant. Le film est splendidement situé dans les années 1950, mais l’histoire est intemporelle (rappelons que Kate Winslet est ici dirigée par son mari, réalisateur d’American beauty en 2000 ou encore des Sentiers de la perdition en 2002). Le casting est irréprochable. La réalisation sans faille.
Même si l’ensemble est moins géographique qu’American beauty, l’espace décrit reste la banlieue pavillonnaire. Dans Les noces rebelles, les Wheeler (condamnés par ce nom à un cercle vicieux dont ils n’arrivent pas à sortir, tout le quotidien usant d’une union matrimoniale…) sont installés dans un espace périphérique résidentiel dans une ville du Connecticut. Plus précisément, leur maison se situe sur Revolutionary road, d’où le titre original, nom qui entre en contradiction avec celui-là même des protagonistes.
La banlieue est donc là à nouveau chez Mendes comme une façade et le sujet est bien la même hypocrisie pointée du doigt dans American beauty, aussi cet entonnoir dans lequel la société nous balance et contre quoi, à cause d’un excès de mollesse, personne ne réagit.
Les visages des deux acteurs principaux sont superbement filmés, en particulier dans les moments de disputes ou de détresse ; une lumière un peu crue laisse apparaître les premières rides au coin d’un œil ou d’une bouche. DiCaprio, par certaines expressions, me fait penser à Jack Nicholson.
L’ensemble est pas mal du tout même si la réalisation est assez plan-plan. Les trois dernières scènes sont de trop. Sam Mendes pouvait tout aussi bien terminer son film sur la course de l’acteur. La scène avec le couple de voisins creuse un peu plus la personnalité et les remords du bonhomme, mais quelle importance a réellement le personnage. Le plan montrant DiCaprio dans le jardin d’enfants n’apporte rien (une caméra derrière l’épaule accentue la fatalité de son histoire, mais le spectateur peut s’en passer). La dernière scène avec le couple de personnes âgées est la meilleure idée des trois mais alourdit la tendance explicative du film. Pas un couple n’est à sauver. Tous sont remplis d’hypocrisie et de mauvais sentiments. Pal mal, pas mal.