Liens du sang, Les

Jacques Maillot, 2008 (France)

Nous ne sommes pas vraiment gâtés en ce début d’année 2008 par les productions cinématographiques françaises. Les actrices de Valéria Bruni Tedeschi est resté indigeste en dépit des bonnes idées. Paris de Cédric Klapisch est décevant. Nous avons pour l’instant soigneusement évité Bienvenue chez les Ch’tis de Dany Boon (dont la bande annonce est pourtant efficace). Si l’on ajoute à cela les succès publics devenus charpies sous la plume des critiques (au hasard Astérix aux Jeux olympiques de Thomas Langmann ou Enfin veuve d’Isabelle Mergault, que je n’ai pas vus mais que vraiment rien ne m’encourage à voir), nous restons, malgré la variété des ambitions et des productions, tout désappointés… Les liens du sang est un polar terne qui ne dépareille pas beaucoup parmi des œuvres qui peinent à soulever notre enthousiasme.

L’histoire commence à Lyon en 1979. François, inspecteur de police, joué par Guillaume Canet, retrouve son frère qui sort de prison, Gabriel, François Cluzet. Les deux frères n’ont que ces liens du sang pour les rapprocher et François souffre de voir Gabriel manquer sa réinsertion et sombrer à nouveau dans la criminalité.

UN POLAR PLUTÔT DÉTACHÉ DE LA SOCIÉTÉ
Les bons policiers français filmés dans les années 1970 et 1980 ne manquent pas. Ils sont souvent l’occasion à des engagements politiques et à la dénonciation de malaises sociaux (Z de Costa-Gavras en 1969, Le cercle rouge de Jean-Pierre Melville en 1970, Adieu poulet de Pierre Granier-Deferre en 1975, ou, censé correspondre à l’année du récit des Liens du sang, Série noire d’Alain Corneau en 1979). Dans Les liens du sang, François, le policier, lors d’une interpellation dans une barre d’immeuble délabrée, fait bien une remarque sur la détérioration du cadre de vie de ces types de quartiers (« Dis-toi que j’y ai grandi, c’était pas comme ça avant… Ou alors on s’en rendait pas compte », voilà en substance le propos). La réplique est au début du film. C’est la seule véritable allusion au contexte social. Jacques Maillot filme différentes classes de population (des salariés d’un supermarché, des prostituées, une faune nocturne composées de fêtards et de malfrats, des taulards…) et cela pouvait servir de support à un discours politisé sous-jacent à l’intrigue. Mais rien… Un homme politique est bien montré dans le film, Valéry Giscard d’Estaing, mais isolé sur une photo, le président de l’époque ne participe seulement qu’à la crédibilité de la reconstitution grossie des années 1970. Jacques Maillot ne se soucie pas beaucoup de la société à laquelle appartiennent ses personnages, il n’a l’intention que de raconter une histoire.

LA BONNE FACTURE D’UN FILM MOU
La construction est classique mais convaincante. Les scènes s’enchaînent tout d’abord autour du policier François. Le réalisateur évoque successivement sa vie professionnelle, sa vie familiale, puis sa vie amoureuse. C’est ensuite au tour de son frère. Les scènes de poursuites et surtout de fusillades sont sèches, froides et efficaces. Les lieux communs d’une trame rebattue et suggérés par l’affiche et la bande annonce sont évités. On en vient toutefois à se demander si une association des deux frères pour clore le récit dans la « liquidation » des opposants n’eût pas été plus jouissive que la fin proposée assez plate. Les liens du sang manque à ce point de force que l’on regrette ce qui serait aisément reproché pour d’autres films : sevrer le spectateur de plomb et de sang.

Bien sûr les cuirs craquent, les voitures, 2CV et DS (un sponsor Citröen ?) portent certainement l’autocollant « 79 » sur le pare-brise, chaque plan d’intérieur est un véritable vide-grenier (mobilier, vieux cadres photos, bibelots…), les allures de l’époque relèvent d’une étude tant sociologique qu’anthropologique très minutieuse (coupes de cheveux et tenues), et quand la télévision est allumée c’est pour diffuser les Dossiers de l’écran ou faire le récit du massacre qui en 1979 cause la mort de Jacques Mesrine et a tant fait polémique… L’allusion à « l’ennemi public numéro un », non par le biais de la télévision, mais dans la bouche des deux acteurs sonne très faux et est une occasion manquée supplémentaire de politiser un tant soit peu le récit. A part la contemporanéité de l’histoire racontée et du fait divers, je ne vois pas d’autre raison de citer Mesrine.

La reconstitution de la fin des années 1970 est exagérée comme les souvenirs ont tendance à transformer la réalité en valorisant certains détails plutôt que d’autres et Les liens du sang, nonobstant cet « hyper réalisme », reste très fade.

Une réponse à “Liens du sang, Les”

  1. Ahlala Benjamin ! Allez voir ce film et mettez vos commentaires au crédit du « pour » ! La fin ne peut être changée : c’est une histoire vraie et pas une fiction, et l’intérêt du film réside pour moi plus dans l’ambiance et le jeu des acteurs (tous deux excellents) que dans le rythme du film. Sans chercher midi à quatorze heures ou une analyse bien trop poussée, en tant qu’amateur de polar noir, français ou pas, j’ai trouvé ce film bluffant et très convaincant !

    Pour les amateurs de bon polar « à la française », celui-ci est un MUST (ah ben mince, pour moi qui vient de dire « à la française » poursuivre par un anglicisme ça la fout mal… Tant pis j’assume), à ranger aux côtés de 36, quai des orfèvres (Olivier Marchal, 2004) par exemple. En attendant MR73 et les deux films sur Mesrine (octobre 2008 et mars 2009), Les liens du sang se passe à la même époque avec des années 1970 criant… non hurlant de vérité : déjà le grain de la pellicule et les couleurs légèrement saturées rappelent vraiment les films et les photos d’époque (si si, vous en avez sûrement quelques-unes pour les plus ancien(nes) d’entre-vous avec pattes deph’ et autres splendides chemises à carreaux). Vraiment, on croirait que le film a été tourné à cette époque, le soucis du détail est impressionnant. On est plongé en pleine période de gloire d’AC/DC, d’Antisocial (Renaud aussi bien sûr !), avec bagarres au canif et tessons de bouteilles dans les terrains vagues et autres zones urbaines désaffectées… Une bière tiède bon marché accoudé à sa mobilette… Ambiance gros carreaux, films érotiques de l’époque (avec poils et peaux blanchâtres), cheveux longs et moustache, etc… (Le spectre de Victor Lanoux n’est pas loin). Guillaume Canet et François Cluzet (très bon aussi dans Paris, le dernier Klapisch) excellent véritablement dans leurs rôles de frères truand/flics. Le film, tiré d’une histoire vraie, est tourné de façon très crue et réaliste.

    Pas indispensable par contre à voir sur grand écran, ça rendrait encore mieux sur une bonne vieille télé d’époque (ah il y en a un exemplaire dans le film, de celles posées sur un pied blanc très « stylées »!), hé oui « celles qui duraient longtemps au moins », comme on dit (et là c’est le spectre de Francis Cabrel qui intervient…).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*