Clint Eastwood, 2008 (Etats-Unis)
A 78 ans, l’heure de la retraite n’a pas encore sonné pour Clint Eastwood et grand bien nous fasse : ces dernières œuvres en tant que réalisateur étant en tous points remarquables (le diptyque Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo Jima en 2006 et 2007, ou encore les excellents Million dollar baby, 2005, et Mystic river, 2003, en témoignent). Avec L’échange et un duo d’acteurs prestigieux (Angelina Jolie et John Malkovich), Eastwood tient une fois de plus toutes ses promesses en proposant, pour adapter un scénario basé sur une histoire vraie, un cinéma de haute volée et une réalisation sobre et rigoureuse.
La disparition du jeune Walter Collins émeut une grande partie de l’opinion publique. La police de Los Angeles, dont la côte de popularité est en chute libre (fortement soupçonnée de tuer sans discernement quiconque présenterait un profil de criminel), se saisit de l’affaire et voit là une belle opportunité pour redorer son image. Elle affirme donc avoir retrouvé le jeune garçon. Problème : sa mère, Christine Collins (Angelina Jolie), ne le reconnaît pas. A force d’intimidation, et avec un discours hautement culpabilisant et très manipulateur, le capitaine Jones (Jeffrey Donovan) convainc cette pauvre femme d’accepter malgré tout l’enfant comme son fils. Rapidement toutefois, cette situation devient insupportable et Christine entend faire rouvrir l’enquête et ainsi retrouver son vrai fils. Elle trouve de l’aide dans son combat en la personne du révérend Briegleb (John Malkovich), farouche contestataire des pratiques répressives et abusives de la police de Los Angeles à la fin des années 1920. Christine devient alors plus qu’embarrassante. Elle est mise à l’écart et internée d’office dans un sordide hôpital psychiatrique. Elle y croise d’autres femmes aux histoires similaires, qui ont soit accusé un policier de coups et blessures, soit été trop gênantes en tant que témoins.
Je n’en dirai pas davantage sur l’histoire. Je rajouterai simplement que L’échange se poursuit sur le ton des films de procès et rappelle en cela les classiques du genre signés Lumet, Serpico (1974) ou Le verdict (1983).
Une image magnifique restituant avec réalisme Los Angeles entre les années 1920 et 1930, une histoire poignante qui met en exergue toute la douleur et la détermination d’une femme dans son combat. Parallèlement, le film pointe du doigt un système policier et politique complètement corrompu. Angelina Jolie y est très crédible et convaincante (sûrement son plus grand rôle à ce jour)… Suspense, émotion, drame… L’échange est une réussite à tous les niveaux.
Avec L’échange, Clint Eastwood n’atteint pas le tout meilleur niveau (Impitoyable, 1992, Sur la route de Madison, 1995, Minuit dans le jardin du bien et du mal, 1998) mais livre un film aussi bon que Mystic river ou Les pleins pouvoirs (1997).
La partie « Hôpital psychiatrique » en raison des injustices subies par le personnage principal et les patientes en général, rappelle un peu Vol au-dessus d’un nid de coucou (Milos Forman, 1975). Par ailleurs, tu fais bien de préciser qu’il s’agit d’un des meilleurs rôles d’Angelina Jolie, en vérité le meilleur à ce jour.
Quant à la dernière partie de L’échange, on sait Eastwood attaché au procès (Un monde parfait, 1993, Minuit dans le jardin du bien et du mal…).
Ajoutons une référence à côté de laquelle Angelina Jolie offre finalement une composition réussie mais, sous l’œil d’Eastwood, somme toute assez classique. C’est Vincere de Bellochio. Giovanna Mezzogiorno campe une mère que l’on sépare de son enfant et qui finit écartée de la société par le pouvoir fasciste, internée dans un asile psychiatrique. L’actrice (qui m’était jusqu’à présent entièrement inconnue) est stupéfiante et la mise en scène moins académique que dans L’échange. Le contexte par ailleurs est très différent.