Le Prix du danger

Yves Boisset, 1983 (France)

Adapté d’une nouvelle de l’auteur de SF Robert Sheckley, Le prix du danger anticipe sur ce que pourrait devenir les divertissements télévisés à une époque où la télévision publique s’apprête à céder son monopole aux chaînes privées (la première chaîne en France vendue dès 1986 à un fameux groupe immobilier). Le jeu que le film décrit se base sur la traque par des tueurs d’un candidat qui croît pouvoir leur échapper durant quatre heures et ainsi gagner un million de dollars. Les poursuivants et le candidat sont recrutés par la production. La traque a lieu dans la ville et tout est filmé en direct. Course à la concurrence, valorisation par le mérite, violence extrême, le jeu défend ses propres valeurs et retourne de pauvres gens les uns contre les autres. Au direct, quelques retours plateau entrecoupent la traque de danses et de publicités. Le commentaire omniprésent de l’animateur chargé d’influencer les opinions (Michel Piccoli) parachève ce produit néolibéral qui agite les foules.

Le contexte économique difficile est évoqué mais le film n’insiste pas dessus. D’ailleurs, la représentation socio-professionnelle des participants peut étonner : certes le candidat est un chômeur (Gérard Lanvin), mais du côté des chasseurs, on compte un contremaître (Jean-Claude Dreyfus), un représentant en électroménager, un dessinateur industriel… A priori, pas la misère la plus profonde. En revanche ceux-là sont plutôt tordus et profitent de l’opportunité qui leur est donnée de s’adonner au meurtre sans craindre d’être punis. Le récit a un temps d’avance sur la télé-réalité des années 2000 et les programmes qui font de l’humiliation leur principe premier et qui aujourd’hui foisonnent.

Le prix du danger est un jeu truqué sous régime autoritaire. Le film a été tourné à Paris et à Belgrade. Les décors urbains froids et la grisaille de l’ensemble contribuent à la description dystopique. Le Prix du danger est parfois comparé à La Mort en direct de Bertrand Tavernier (1980) et relève de la même critique acerbe d’une société du divertissement dans un monde capitaliste sans limite. Running Man de Paul Michael Glaser (1987) en est la réadaptation non avouée (et son réalisateur ne se remettra pas tout à fait des procès pour plagiat qui lui ont été intentés). Si je peux me fier à de lointains souvenirs, la version américaine m’avait paru plus ludique. Le prix du danger n’a pour contrebalancer ses redondances (la course des coureurs, les commentaires saoulant de l’animateur, un scénario en ligne droite) que la surprise de son casting (notamment dans le bureau de la production : Bruno Cremer, Marie-France Pisier, Andréa Ferréol) et éventuellement la musique de Cosma.

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