Mario Bava, 1965 (Italie)
Quelque part dans l’espace, deux astronefs, Argos et Galliot, reçoivent d’étranges signaux de la planète Aura. Leur commandant décide de s’y rendre afin de savoir d’où proviennent les signaux. Grand mal lui prit car les créatures qui peuplent la mystérieuse planète ne sont en rien bienveillantes. Elles sont des esprits parasitaires qui n’ont d’autres objectifs que de quitter un astre à l’agonie pour un ailleurs plus propice. Mario Bava, qui réalise avec Terreur dans l’espace (sous son titre original) son unique film de science-fiction, apporte tout son soin à pallier l’indigence de moyens dont souffre le film.
Le site de Cinétrange retranscrit des passages des entretiens contenus dans le dvd de La planète des vampires (sorti en 2001 et distribué par Studio Canal Video). Le distributeur de l’époque Jean-Pierre Jackson explique que trois méthodes sont utilisées pour masquer le manque de moyens financiers : dissimuler le décor par la brume (il est vrai que la machine à fumée tourne à pleine régime dans bon nombre de scènes), placer des indices qui permettent la double interprétation (réalité vue par les personnages ou hallucinations ?), complexifier la trame narrative (insert d’un plan qui ne peut être compris que plus tard ; celui des morts sortant de leur tombe par exemple). Cependant, tout le savoir-faire de Bava et de son équipe ne réussit pas à complètement gommer la pauvreté des décors et de l’intrigue. Seuls deux décors sont mis en place : celui des intérieurs des vaisseaux spatiaux (un décor unique pour tous les engins) et celui de la planète vue du sol. Les machines du premier décor et les rochers en carton du second sont déplacés d’un coin à un autre et saisis sous différents angles de vue. Ainsi, ces réaménagements sont censés donner l’illusion d’une pluralité des espaces. La lumière artificielle des projecteurs et le recours aux fumigènes créent néanmoins une ambiance étrange. Si les intérieurs des engins spatiaux sont dominés par le gris, les « extérieurs » se partagent en reflets sombres de rouge, de bleu et de vert. Les effets spéciaux sont inexistants : outre le carton-pâte des décors et les gros boutons des ordinateurs à bord des vaisseaux spatiaux, plusieurs effets rapides de zoom avant et arrière insistent sur tel ou tel danger (les créatures ensanglantées ou une substance verte dans laquelle un membre de l’équipage manque de tomber).
Quid du vampirisme ? Beh rien. Jamais le mot n’est prononcé. Jamais il n’est question de boire du sang, ni de longue canine, pas même de sensibilité à la lumière. Seule l’idée du mort-vivant nous rapproche vaguement du vampire. En effet, les extraterrestres sont des entités immatérielles ou invisibles et doivent s’emparer, tels des parasites*, des corps humains morts ou vivants pour fuir la planète Aura et survivre. Lorsqu’ils éclairent sur la situation des extraterrestres, les dialogues étonnent car ils mentionnent à la fois l’idée de la lutte des races pour leur survie et laisse entendre celle de la conquête d’un espace vital (il est nécessaire aux aliens de conquérir la Terre car leur planète se meurt). Nous voilà bien proche d’une idéologie funèbre… Y a-t-il un parallèle à faire avec l’une ou l’autre des super puissances qui s’affrontent alors durant la Guerre Froide (puisque le film date de 1965) ? La question demeure en suspens.
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« Nous sommes en danger depuis longtemps et luttons pour survivre. Nous vous avons fait vous entre-tuer pour pouvoir prendre vos corps. C’est notre dernière chance. Il est essentiel que notre race survive.
– A nos dépens ?
– Si vous étiez à notre place, vous comprendriez. Sur votre planète, je sais que vous avez lutté et tué pendant des siècles. Vous attendez-vous à ce que nous soyons différents ? Nous ne pouvons pas disparaître. Rien ne nous arrêtera. Nous lutterons, coûte que coûte. Nous sommes une race qui existe sur une longueur d’ondes différente. […] Peut-être que notre survie sera possible ailleurs. […]
– Vous avez besoin de nos cadavres, j’imagine ?
– Non. Ils doivent être prêts à se soumettre. Les corps se perdent lorsque leur volonté vacille.
– Des parasites n’aurons pas raison de nous.
[…]
– Nous sacrifierions tous notre vie pour sauver notre race. »
Bien qu’il ne se passe pas grand chose sur cette planète, Mario Bava y instille un peu de suspense et conclut son histoire avec surprise de façon tout à fait pessimiste. La planète des vampires, que l’on pourrait aussi rapprocher de L’invasion des profanateurs de sépultures (Don Siegel, 1956), aurait dû être le premier d’une série de cinq films produits par l’American International Picture, mais les autres métrages n’ont jamais vu le jour…
* La comparaison avec Alien (Ridley Scott, 1979) a maintes fois été avancée. L’article consacré à La planète des vampires sur la page anglaise de Wikipedia apporte quelques précisions quant à la filiation du film de Bava avec celui de Scott :
« One of Vampires’ most celebrated sequences involves the astronauts performing an exploration of an alien, derelict ship discovered in a huge ruin on the surface of the planet. The crewmembers climb up into the depths of the eerie ship and discover the gigantic remains of long dead monstrous creatures. In 1979, Cinefantastique noted the remarkable similarities between this atmospheric sequence and a lengthy scene in the then-new Alien. The magazine also pointed out other minor parallels between the two films. However, both Alien’s director Ridley Scott and screenwriter Dan O’Bannon claimed at the time that they had never seen Planet of the Vampires. »
L’auteur de l’article cite les sources suivantes :
– Jeffrey Frentzen, « Alien: It! The Terror from beyond the Planet of the Vampires », dans Cinefantastique Magazine, Vol. 8, n° 4, 1979, p. 24-25,
– Mark Patrick Carducci et Glenn Lovell, « Making Alien: behind the scenes » dans Cinefantastique Magazine, Vol. 9, n° 1, 1979, p. 10-39.