La femme d’à côté

François Truffaut, 1981 (France)




Jeunes, Mathilde et Bernard ont connu ensemble des amours tumultueuses. Ils se sont séparés, ont refait leur vie. Bien plus tard, le hasard les rapproche à nouveau. Dans la campagne grenobloise, Mathilde s’installe avec son époux dans la maison voisine de celle de Bernard et de sa femme. La situation est mise en place très explicitement mais une foule de choses reste invisible à l’écran. Avec Le dernier métro (1980) et Vivement dimanche ! (1984), La femme d’à côté fait partie des dernières réalisations de François Truffaut : un cinéma de l’intime, complexe, déployant discrètement sa mise en scène pour renforcer et embellir le sujet.

Bernard (Gérard Depardieu) et Mathilde (Fanny Ardant) ont tout d’abord peur d’eux-mêmes. C’est pourquoi, lui, évite soigneusement la première invitation à dîner des nouveaux voisins (avant de fuir ce repas, une scène le montre à son travail tanguant sur une péniche). C’est aussi pourquoi Mathilde s’évanouit dans le parking souterrain lorsque de façon impulsive Bernard l’embrasse. Ils restent donc distants, ce qui transparaît à l’image par les champs – contrechamps. Toutefois, Bernard et Mathilde sont incapables de résister davantage et retombent dans les bras l’un de l’autre (la robe achetée par Philippe/Henri Garcin transforme définitivement Mathilde en objet de désir). La scène d’amour dans la voiture est magnifique. Sous les ombres des arbres, ils s’embrassent avec passion ; nous les voyons derrière un carreau de voiture qui reflète un semis de tâches bleues, des bouts de ciel qui ça et là percent la frondaison. Jalousie et méfiance ne tardent pas non plus à réapparaître. Truffaut met souvent le spectateur, comme ses protagonistes, en position de voyeur. Les façades des deux maisons voisines sont filmées de nuit et les lumières de leurs fenêtres nous laissent voir les intérieurs et des silhouettes les traverser.

L’histoire malheureuse de Mme Jouve (Veronique Silver) à laquelle Bernard et Mathilde ne sont pas indifférents, ainsi que le nombre de fondus au noir sur le visage de Fanny Ardant laissent augurer un destin funeste. La dernière scène nocturne est pleine de suspense (Hitchcock n’est pas loin). Alors que tous deux semblaient avoir renoncé à leur dangereuse passion, les amants s’enlassent une nouvelle fois et la tension retombe pour le spectateur. Truffaut construit un effet de surprise autour de cette tension : couchés au sol, pendant qu’ils font l’amour, elle prend un revolver de son sac à main, le tue et se suicide. La folle passion est ainsi totale : « ni avec toi, ni sans toi ». Aujourd’hui, la femme d’à côté n’a rien perdu de sa modernité. L’empreinte de François Truffaut est encore très fraîche dans le cinéma contemporain.

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