Inju, la bête dans l’ombre

Barbet Schroeder, 2008 (France)

Inju démarre par les cinq dernières minutes d’un film japonais que le héros, l’écrivain Alex Fayard (joué par Benoît Magimel), projette à des étudiants lors d’une conférence traitant de Shundei Oe, un mystérieux auteur à succès de thrillers japonais. Alex Fayard est en effet le grand spécialiste français de Shundei Oe pour lequel il éprouve une grande fascination : il s’en inspirera d’ailleurs pour l’écriture de son propre roman qui deviendra à son tour un best-seller, devançant même les ventes de son maître. Parti en tournée promo au Japon, Alex n’a qu’une idée en tête : arriver à rencontrer son idôle de toujours. Mais ce dernier entretient soigneusement le mystère qui plane autour de lui en refusant systématiquement toute interview, en lançant les plus folles rumeurs à son sujet et en ne venant jamais aux émissions télé littéraires qui l’invitent. Visiblement irrité par le jeune auteur français qui, par stratégie pour le faire sortir de sa tanière, le provoquera à la télévision, Shundei Oe décide de se prêter au jeu en lui envoyant différentes menaces. Un climat de peur s’instaure désormais, surtout lorsque Alex rencontre Tamao, une geiko (le véritable nom des geishas) qui lui raconte avoir connu Shundei Oe il y a une dizaine d’années…

Inju est un film très plaisant que l’on regarde avec un certain recul car tourné justement avec une sorte de second degré assez subtil, sorte d’hommage déguisé aux thrillers et, plus généralement, à la culture japonaise.

Le film, une libre adaptation d’un roman de Edogawa Ranpo (nom qui sonne comme Edgar Alan Poe !) sorti en 1928, a beaucoup de charme en raison de sa très esthétique photo. Cette sorte de fable moderne aurait néanmoins eu plus d’impact si le thème central (du film et des romans de Shundei Oe) du plaisir lié à la souffrance avait été plus approfondi. On en perçoit quelques ébauches lors d’une scène d’amour où la geiko s’attache d’elle-même et, plus à la fin, d’une autre scène bien plus sado-maso où elle se fait fouetter, en suspension avec une boule dans la bouche. Le film reste dans son ensemble très light de ce côté-là : je ne suis pas un fervent amateur de « s. m. » (loin de là malgré mon pseudo !) mais pour donner plus de profondeur et de noirceur à ce Inju, je pense que le réalisateur a un peu pris des gants, ce qui donne parfois ce côté BD (où plutôt manga dans ce cas-là) un peu lisse. Par exemple, un autre film sur le thème du sado masochisme, La chasse (William Fredkin, 1980) avec Al Pacino, récemment resorti en dvd, est bien plus glauque et sombre que ce dernier. Il faut dire aussi que le film se situe dans la communauté gay des bas fonds de New York (ambiance Village People, sans l’humour ni le côté disco !) et non pas dans les décors plus feutrés des geikos japonaises !

Pour l’anecdote, Barbet Schroeder avait déjà failli travailler avec Benoît Magimel puisque ce dernier devait au départ interpréter Mesrine et Schroeder le réaliser ! Au final, le réalisateur sera Jean-François Richet et Mesrine interprété (apparemment brillamment) par Vincent Cassel : rendez-vous incontournable pour ces deux films en octobre et novembre 2008 !

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