André Téchiné, 2014 (France)
Moins sauvages que les Roseaux (1994), moins poignant que Les temps qui changent (2004), moins trouble que La fille du RER (2009), L’homme qu’on aimait trop, plus lâche malgré toute l’énergie de ses acteurs appréciés (même Guillaume Canet, tout à fait correct), se laisse dépasser par le fait divers. Le film aurait dû se concentrer sur toutes les tensions d’une si particulière relation à trois, mais s’abîme en ellipses et se perd en digressions (la Suisse et la famille de mafieux italiens avec sa traditionnelle canzone en fin de repas, toute la fin en film de procès…). Pour de mauvaises raisons qui plus est parce que Téchiné cherche à coller à l’histoire racontée et suivie par les médias depuis les années 1970 (notons tout de même, à une époque de naphtaline et de « reconstitutions » maniaques au cinéma, que le contexte de ces années-là, est quant à lui au moins décrit de manière plutôt discrète).
Agnès Le Roux (la belle Adèle Haenel à l’ardeur un peu violentée, à la passion un peu vite résumée), héritière contrariée du casino Le Palais de la Méditerranée à Nice, rompt avec sa mère Renée (Catherine Deneuve) quand il s’agit de la réélire à la tête de l’établissement endetté. Entre les deux, Maurice Agnelet (Canet) est un temps avocat et conseiller au service de Renée (mais sans jamais vraiment parvenir à ses fins auprès d’elle), puis devient l’avocat et l’amant d’Agnès lorsque la mère et la fille ne s’entendent plus. D’abord assez longtemps amie avec l’avocat (artificialité d’une relation manquée dans le film), Agnès ne sait plus se passer de lui ensuite. Sa dépendance maladive est introduite de façon trop brusque dans le récit. C’est pourtant sur les sentiments et la fragilité mentale d’Agnès que découle tout le fait divers, sa disparition soudaine étant demeurée un mystère. Téchiné montre par deux scènes que Maurice est très capable d’exercer une forte pression par excès d’autorité, exigences assez malsaines de sa part, mais c’est assez tardif. Sur L’homme qu’on aimait trop, nulle véritable ambiguïté, et ce malgré un mobile de trois millions de francs… En bref, Téchiné ne nous fait jamais voir en Maurice, franc-maçon engagé auprès de la Ligue des Droits de l’Homme (ce qui était d’autant plus intéressant), un meurtrier possible. Alors que même la justice, de rebondissements en rebondissements, de procès en cassations, d’accusation en rétractations, entretient davantage que la fiction toute cette incertitude liée à l’affaire et à l’homme.
Le film commence et finit par un croquis fait au tribunal et le personnage de Téchiné s’y résume peut-être, une esquisse qui ne dit finalement pas grand chose de la personne. En outre, la photo d’Agnès enfant en tenue de danse qui, au contraire, est censée apporter un peu de densité au personnage, n’a pas grand sens. Regard perçant, petite fille fuyant sous le piano, insistance un peu vaine. Même difficiles à cerner, part d’ombre nécessaire à l’intrigue, les personnages chacun à leur tour devraient exercer sur nous leur pouvoir de séduction. Au final, toute l’affaire reste terne emportant, ce qui est plus étonnant, la manière du réalisateur.