Peter Jackson, 2014 (États-Unis, Nouvelle-Zélande)
L’ÉPREUVE CRITIQUE
Quoi ajouter une fois passée la vingtième heure de film ? Treize ans, deux trilogies et quelques dizaines de minutes supplémentaires de scènes coupées plus tard, qu’est-ce que le critique endurant pourra bien dire qui n’est pas déjà partout écrit ?
Que l’on soit totalement emballé par le conte ou un peu usé par ces longues randonnées guerrières, doit-on discuter une énième fois des choix opérés par Peter Jackson pour l’adaptation du livre ? Là, plutôt que « l’hérésie Tauriel »* ou la prise des armes par les femmes de la cité lacustre, c’est davantage la fin du combat de Thorin contre Azog qui nous gêne. Alors que Jackson replace l’affrontement entre les deux chefs sur une rivière gelée, il manque de faire du craquement de la glace un véritable élément de suspense. Non qu’il s’agisse-là d’un passage très original, car il ne l’est pas, mais quand il fait faire à son nain un pas en arrière, simple et malin, et laisse l’orque blanc basculer dans l’eau, Peter Jackson nous laisse croire à un potentiel de mise en scène qu’il n’exploite pas. Laissons cela.
Plutôt que des choix du réalisateur, préférera-t-on alors critiquer l’absence de souffle véritable ? Qu’a fait Howard Shore ? Quelles orchestrations trépidantes ? Ou bien discutera-t-on du manque de péripéties ? Certainement d’ailleurs en raison de l’étirement forcé de cette seconde trilogie ne se basant (rien de neuf non plus dans ce qui suit) que sur les 300 pages d’un livre léger en premier lieu destiné à des enfants ; et cet épisode-ci particulièrement parce qu’il ne se base que sur 50 pages, voire 30 tant les deux derniers chapitres (Le voyage de retour et La dernière étape) sont rapidement passés (ne doutons pas que le retour de Bilbo à Rivendell fera l’objet d’un ajout dans la version longue du film). Bref, nous manquons d’entrain à livrer cette bataille (alors que les quelques lignes de Tolkien la décrivant nous avaient si longtemps fascinés) et perdons ici le goût des armes.
Aura-t-on envie pour autant de tourner l’épisode en dérision ? Conjecturant par exemple sur la psychologie de Legolas (Orlando Bloom), elfe amoureux d’une elfe amoureuse d’un nain, et par conséquent frustré au point de faire un transfert et développer une amitié homosexuelle pour le nain Gimli dans Le retour du roi notamment (2003)… Je ne souhaite pas non plus emprunter ce chemin. Il devient par conséquent difficile d’ajouter quoi que ce soit de nouveau. Peter Jackson achève son entreprise sans totalement nous décevoir mais sans nous ravir non plus. Et l’on doute, on tremble, on bloque à l’idée de n’avoir rien à dire de plus sur Star Wars : episode IX qui sortira bientôt. En 2019.
* Une histoire d’amour entre l’elfe Tauriel et le nain Kili (Evangeline Lilly et Aidan Turner) plus lyrique, moins bucolique et moins mièvre que celle mise en scène par Lucas entre Padmé et Anakin (Nathalie Portman et Hayden Christensen) dans L’attaque des clones (2002).
Tandis que Thorin se morfond sur son trône d’or, on sent poindre dans cette critique une semblable morosité. Il y a pourtant matière à satisfaction dans cet ultime volet. Au-delà de la litanie des défauts qui emporteraient aisément tous les récits de Jackson dans le vent des reproches, reste encore vive ici la flamme de l’épopée. Et quand bien même le dragon finit occis d’entrée, il continue à rôder insidieusement tout au long de l’épisode. Derrière lui, c’est l’ombre de Sauron qui guette. Je trouve au contraire le duel sur le miroir glacé de la chute une idée très bien trouvée : l’image d’Azog sous la glace est comme celle du dragon sous le lac d’or solidifié, c’est le miroir de l’âme corrompue par le Mal absolu, celui qui nous ronge. Et puisqu’il est question ici de Bataille, citons donc ce Georges qui écrivait : » la mort étant la condition de la vie, le Mal, qui se lie par essence à la mort, est aussi d’une manière ambiguë le fondement de l’être. » De là à faire de Peter Jackson le digne hériter de Fritz Lang, c’est un pas que je ne franchirai pas. Mais néanmoins, j’y trouve mon compte, bien plus évidemment que dans toutes les cabrioles d’un Legolas hors-sujet, ou d’un passage à Dol Guldur plus que dispensable.
Ayant vu le film récemment , j’ai du mal à partager les critiques plutôt négatives de plusieurs journalistes, durs sur ce dernier opus d’une saga que j’ai toujours regardée avec enthousiasme. Mais la critique est toujours plus aisée que l’art, n’est-il pas ?
Il est difficile de ne pas aimer La bataille des cinq armées quand on a aimé les films de Jackson, depuis La communauté de l’anneau en 2001, jusqu’à La désolation de Smaug en 2013 (même si déjà un certain épuisement, du film ou du spectateur ou des deux, se faisait ressentir sur cet épisode). En vérité, la relance sur grand écran de l’univers tolkienien m’enchantait réellement et avec Un voyage inattendu, je reconnais volontiers la grande épopée qui est portée sur grand écran. Mais sur les deux épisodes suivants, a posteriori, il y a une perte de rythme, de mélodies entraînantes et, plus du tout emporté, je reste sur place à regarder les images.
Morose comme l’écrit Princécrannoir, ça me va.
Si je dois ajouter une note plus positive, je reprendrais cette image : le gland trouvé contre toute attente dans la paume du hobbit, point de départ d’un sentiment composé, fait d’une attente désabusée et de la nostalgie d’un temps qu’on ne verra plus passer de la même façon.
100% ok avec toi… Un divertissement efficace mais rien de transcendant…