Fabuleux destin d’Élisabeth Vigée-Le Brun, peintre de Marie-Antoinette, Le

Arnaud Xainte, 2015 (France)

Comme David, de moins de dix ans son aîné, et auprès de qui elle ira chercher conseil, Elisabeth Louise Vigée-Le Brun (1755-1842), d’un souverain à un autre, de l’Ancien Régime à la Restauration, traverse la période révolutionnaire. Contrairement au peintre du Serment du jeu de paume cependant, elle ne se mêle pas au peuple et fuit les troubles. Fille d’un pastelliste, Louis Vigée, elle s’exerce beaucoup entre six et douze ans dans l’atelier de son père et acquiert très vite au pastel une technique prometteuse. Elle est formée durant un temps par Joseph Vernet qui avait alors belle réputation (il est le peintre à qui Louis XV commanda ses fameuses peintures des grands ports français). Puis elle se fait remarquer par le frère du roi, le futur Louis XVIII, et voilà la jeune artiste introduite à la cour dès 1776. Elle a à peine plus de vingt ans. Deux ans plus tard, elle devient la portraitiste officielle de Marie-Antoinette.

« Fabuleux destin » que celui d’Élisabeth Vigée-Le Brun… jusqu’à la Révolution tout du moins. Car lorsque le climat à Versailles n’est plus du tout favorable au roi et à son entourage (après les journées des 5 et 6 octobre 1789 et l’installation forcée aux Tuileries), l’artiste fuit Paris et commence un exil de treize ans. Loin des échafauds français, l’artiste parcourt l’Europe et cherche à retrouver une clientèle qui lui permette de bien vivre, d’abord en Italie, puis en Autriche, en Suisse (chez Mme de Staël son amie) ou en Russie (où elle est conviée à Saint-Pétersbourg par la haute société). Après la Terreur et quand le nouveau siècle commence, Mlle Vigée est bien seule. Plusieurs de ses amis ont été guillotinés, sa mère est décédée et une dispute avec sa fille la laisse presque sans famille.

Autoportrait au chapeau de paille, 1782 (Londres, National Gallery)
« Élisabeth Vigée-Le Brun, c’est quelqu’un qui introduit dans l’art du portrait la joie de vivre » [1]

Le documentaire insiste sur toutes les modes qu’aurait initiées Élisabeth Vigée-Le Brun. Non seulement picturales dans l’art de représenter les portraits, dans lequel elle s’est spécialisée (la peinture d’histoire étant refusée aux femmes en France), mais également vestimentaires où l’originalité de ses tenues (simples et plus aisées à porter) aurait été dans les cours fréquentées souvent imitée. Pour ne s’en tenir qu’à quelques exemples en peinture, il semble qu’elle inventât le « regard perdu » de ses sujets (une astuce qui lui aurait permis de tenir à distance les gentilshommes qui de leurs yeux doux se faisaient trop insistants). En 1776, elle se représente en train de sourire dans un superbe Autoportrait avec sa fille. La tendresse maternelle est affichée dans une étreinte heureuse sans que l’étiquette ou que les symboles si appréciés à l’époque des Lumières ne dissimulent plus rien ; un sourire franc qui transgressait les conventions culturelles du moment. Directement sous l’influence du portrait de Suzanne Lunden par Rubens (connu sous le titre de Chapeau de paille), un autre de ses plus beaux tableaux, l’Autoportrait au chapeau de paille (1782), illustre parfaitement ces tenues et ces postures que l’on admirait chez elle, empreintes de simplicité et de naturel.

La portraitiste de Marie-Antoinette laisse six cent soixante tableaux, tous dans une tradition dix-huitiémiste du portrait aimable ou élégant (pas de romantisme même dans les dernières œuvres [2]). Elle laisse aussi ses mémoires, rédigées assez tardivement (à partir de 1829) et publiées de son vivant (Souvenirs, Paris, Fournier, 3 vol. , 1835-1837). L’édition critique récente en a d’ailleurs précisé le caractère parfois trompeur [3] et nous ne sommes pas sûrs que le documentaire, qui s’appuie largement dessus, garde tout à fait la distance nécessaire avec le texte. Hors mis cette réserve, Le fabuleux destin d’Élisabeth Vigée-Le Brun, avec l’apport de plusieurs spécialistes en art, commentant une sélection de toiles et illustrant la narration de scènes de fiction, offre un récit plutôt soigné et complet sur cette femme peintre du XVIIIe.

[1] Extrait de l’entretien avec Xavier Salmon, directeur du département des arts graphiques du Louvre, commissaire de l’exposition Élisabeth Louise Vigée-Le Brun (1755-1842), tenue au Grand Palais de septembre 2015 à janvier 2016, dans le fascicule du Grand Palais, « L’essentiel de l’exposition à destination des enseignants et des relais associatifs ».

[2] Ibid.

[3] Annie Duprat, « Élisabeth Vigée Le Brun,Souvenirs 1755-1842 », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 356 | avril-juin 2009, mis en ligne le 17 décembre 2009, consulté le 12 décembre 2015.

Une réponse à “Fabuleux destin d’Élisabeth Vigée-Le Brun, peintre de Marie-Antoinette, Le”

  1. Remarquable passage en revue de ce « docu-reportage » que je viens de visionner. J’ai beaucoup appris sans jamais m’ennuyer, même si le parti-pris éditorial se veut résolument pédagogique et chronologique. Par contre, je ne sais pourquoi la couverture du DVD choisit d’être si trompeuse en nous proposant un portrait de la duchesse de Polignac en lieu et place de ce magnifique autoportrait au chapeau de paille qui illustre de droit ton très beau texte.

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