Saul Dibb, 2008 (Royaume-Uni)
Représentée par les grands portraitistes de son temps, Georgiana Cavendish, duchesse de Devonshire (à qui Keira Knightley prête ici sa fine silhouette et ses jolis traits), est à la fois connue pour ses prises de position politiques en faveur des Whigs, pour ses toilettes et sa capacité à susciter les modes, mais également pour ses mésaventures amoureuses et familiales. C’est sur ce dernier aspect que Saul Dibb a décidé de concentrer son récit.
Aussitôt mariée, Georgiana comprend vite que son rôle auprès du duc (Ralph Fiennes) se limite à lui donner un héritier. Une petite fille, puis deux, et les relations déjà froides entre le duc et la duchesse se distendent davantage. Il attend un garçon qui tarde à venir. Et quand le duc se livre à d’autres infidélités, non plus avec de jolies domestiques, mais avec une aristocrate qu’il invite à vivre sous son toit (Hayley Atwell), Georgiana, rendue impuissante en son foyer, tente d’entretenir une relation de son côté. Elle aime le député Charles Grey (Dominic Cooper), lui donne un enfant, mais son époux lui retire brutalement l’un et l’autre. Alors qu’elle perd toute sa liberté, entre indépendance américaine et révolution française, l’ironie veut que le contexte dans le monde soit tout autre (elle-même apportait son soutien aux libéraux et Grey, qui deviendra premier ministre, œuvrera en tant que tel pour l’abolition de l’esclavage).
A propos de la condition de la femme, The duchess semble toutefois avoir un temps d’avance sur l’époque décrite. Le film insiste sur les oppositions de Georgiana à son mari, sur les arrangements qu’elle essaye de lui proposer, s’égare un instant lors d’une caresse entre femmes, souligne enfin la brutalité répétée du mari au lit en contraste avec le plaisir procuré par l’amant. Peut-être Dibb a-t-il manqué de nous parler davantage, en dehors de ses charmes, de ce qui a rendu Georgiana si populaire, de ses audaces et de ses fréquentations politiques, de son émancipation réelle en société.
Un très beau et très bon film. Féministe sans être démonstratif… 3/4
Le duc est maître en son domaine : il règne sur toutes choses, et qui ne comprend pas les codes est sérieusement remis à sa place. Qu’importe que le duc ne respecte, lui, aucune règle, il est le seul en son shire à pouvoir s’en affranchir et seul à pouvoir demander compte de leurs actes à ceux qui sont sous sa dépendance, épouse comprise.
Mais voilà, la duchesse se rebelle, quand elle ouvre les yeux sur le comportement de son « noble » époux. On prend parti pour elle, bien sûr, et on la plaint d’avoir été triplement victime : des tromperies du duc, du mauvais sort qui la poursuit et du devoir d’obéissance dans lequel on veut l’enfermer, comme si elle devait tenir son rang en souffrant en silence, mais dignement.
Mais non décidément, la duchesse ne sait pas courber l’échine. Elle se révolte, elle veut rendre la pareille à son époux, en aimant vraiment et en étant payée de retour, mais c’est une situation intolérable pour le duc, qui réussit à y mettre bon ordre, enfin si ce n’est qu’elle a un enfant de son amant et que ce genre de trace ne s’efface pas aussi facilement que le voudrait le duc. A la fin, le mari, qui a obtenu tout ce qu’il voulait, finit par relâcher la bride quand plus rien n’est venu menacer « l’ordre établi » et qu’il a pu conserver les objets de sa conquête, maîtresse et épouse comprises, tandis que cette dernière, de guerre lasse, a fini par se résigner à cette situation.
Ce qui se passe dans cette Angleterre du XVIIIe siècle est ce qui avait cours aussi dans toute l’Europe. Il n’y a que trop d’exemples de ce comportement, même s’il y a eu aussi dans le milieu de la haute et moyenne noblesse des cas, heureusement fréquents, de réussite matrimoniale et de bonheur domestique. Il n’était pas drôle de vivre sous la coupe du maître quand le tenant du titre, duc ou comte, ne respirait pas la bonté.
La duchesse, née Lady Georgiana Spencer, devenue l’épouse de William Cavendish, duc de Devonshire, était connue pour sa beauté, son goût pour les belles toilettes, mise toujours soignée et raffinée et mode affichée, avait créé salon, se piquait de littérature et d’esprit, fut auteur d’un roman et versifia, s’intéressa beaucoup à la politique, en prenant le parti de ceux qui s’opposaient à William Pitt le jeune, fut la maîtresse de Charles Grey, dont elle eut une fille, et mourut en 1806.
Quant à Charles Grey, il connut un certain succès en politique, avec le temps, et devint Premier Lord de l’Amirauté puis plus tard, vers 1830, Premier ministre, tout de suite après lord Wellesley, dit Wellington.
François Sarindar