Hassan Yektapanah, 2000 (Iran)
Le premier film du réalisateur Hassan Yektapanah dépasse le désir comme sujet central du long métrage. Récit léger nous racontant le quotidien d’un jeune Afghan garçon de ferme en Iran souhaitant épouser une femme d’un village voisin. Plutôt que la relation amoureuse mais surtout fantasmée entre le jeune Djomeh et la vendeuse de l’épicerie, l’on suivra davantage les trajets sur la route, fil rouge du film, qui relie la ferme au village. Par une succession de plans fixes et répétés, le quotidien de ce garçon de ferme est illustré ; l’achat du lait, les soins des vaches, les allers-retours, encore et toujours. Seul le moment des courses et ses tentatives de contact avec la vendeuse du village, lui offrent une marge de manœuvre, un moment de liberté, d’initiative personnelle. Peut-être davantage que la religion, c’est aussi la situation rurale et le qu’en-dira-t-on qui freinent les rapports humains, le manque de complicité dans cette campagne iranienne. Le regard des autres, réel ou supposé, inquiète et interroge : Djomeh hésite à se lancer, écartelé entre les codes de deux mondes sans adhérer à l’un ou l’autre. Cette dualité le pousse alors à la remise en question, à la confidence, auprès de son patron dont il semble le seul à percevoir l’humanité, car il est finalement le seul à l’aborder.
Alignant silences et paysages désertiques, le film s’étire un peu, pouvant laisser attendre une accélération qui n’arrive pas. Si la perception d’un quotidien routinier était nécessaire, il n’y aurait pas eu de mal ni de honte à proposer un format plus court ou un rythme de montage plus soutenu.
Cependant, autour de cette quête d’amour subissant le quotidien, le film parvient à mettre en évidence le manque de lien et d’affection. Tout cela se fait dans un ascétisme ambiant seulement tranché par les enfants libérés en accord avec chaque adulte qui s’émancipe en créant son propre espace de jeu, sans contrainte. La naïveté est ce qui anime Djomeh : une naïveté enfantine et porteuse d’espoir. Elle est de celles qui vous font oublier, jamais longtemps hélas, toutes les normes et interdits sociaux, ici mais ailleurs aussi, à différents degrés. Et par là, cette fable simple, si elle nous livre cet Iran rural sans fioritures, dépasse ce cadre géographique culturel et religieux.
Klervi Drouglazet et Léa Morillon, pour la 35e édition du Festival des 3 Continents.