Josh Trank, 2012 (États-Unis)
Au cinéma, si l’on ne considère que la renaissance super-héroïque des années 2000, les ados sont dès le début dans l’action : Spider-man (Raimi 2002-2007), Kick-Ass (Vaughn, 2010), X-Men: first class (Vaughn, 2011). Et si l’on devait rapprocher Chronicle de l’un de ces films, ce serait plutôt du dernier en raison des divergences « politiques » d’un groupe et en conséquence de la séparation de ses membres. On en retiendra surtout les figures antagonistes et charismatiques : Charles et Erik dans X-Men ou Matt et Andrew dans Chronicle. Dans les deux films, c’est la question de la place du super-héros aux côtés des hommes qui conduit au point de rupture : Matt (Alex Russell), avec candeur, se dit altruiste tandis qu’Andrew (Dane DeHaan), fort d’une assurance nouvelle, développe des idées qui se rapportent à sa supériorité « naturelle » (la théorie du super prédateur). Sur le plan politique le film s’arrête là : pas de Dark Sidious ni de revirement impérial pernicieux (Star Wars, Lucas*), pas de Loki ni de brusque asservissement des foules (Avengers, Whedon, 2012).
En revanche, le principe même de Chronicle, celui qui justifie son titre et qui se plie au genre de la vidéo témoin apporte ses petites nouveautés. Mal dans sa peau, Matt se cache derrière une caméra. Au début, le garçon demeure souvent hors champ ou est coupé par l’image (sauf dans le tout premier plan face à un miroir). La caméra subjective est alors le seul point de vue ou presque (Trank échoue quelques fois à justifier ses coupes et ses contre-champs). Mais avec la découverte de l’étendue de ses pouvoirs, l’ego de l’adolescent grandit et change le traitement de son image à l’écran. Grâce à sa force mentale il manipule la caméra à distance et devient, plein cadre, le seul sujet des images produites. Ses pouvoirs lui permettent même dans une scène assez réussie de prendre le contrôle de plusieurs caméscopes et téléphones portables, de les faire flotter objectifs pointés sur lui et, ainsi, comme pour s’imposer davantage, de multiplier les plans et les angles sur sa personne. Mieux, les mouvements étaient tremblants et saccadés quand il subissait le regard des autres, ils deviennent parfaitement fluides et aériens quand l’adolescent s’affirme et soumet les autres à sa mégalomanie.
Le found footage a toutefois ses limites. On allume la caméra, on éteint la caméra, qu’il soit dans le champ ou pas, l’appareil est omniprésent. Malgré les astuces du réalisateur pour lui donner du sens, cette intrusion jusque dans les dialogues finit par déranger. De plus, par sa répétition, il arrive au procédé d’en rester au degré zéro de la réalisation. Par exemple, quel film appartenant à ce genre (si tant est que l’on puisse considérer le found footage comme un genre) se dispense du plan explicatif face caméra, repentir ou aveu (« Et je veux que tu saches… », « Je t’aime, mec. J’ai jamais eu l’occasion de te le dire… ») ? La façon de faire fait surtout resurgir au cinéma des images qui inondent déjà les petits écrans (filmer son voisin, sa famille ou le chien). Des images sans âme ni personnalité qui circulent partout et tout le temps. Au milieu d’un collage de banalités en basse ou en haute résolution, en 4/3 ou en 16/9, les saillies fantastiques ne suffisent alors parfois plus et le risque, en définitive, est de figer le spectateur devant cette surface.
* Josh Trank est l’auteur d’un court, Stabbing at Leia’s 22nd birthday (2007), dans lequel on retrouve tous les ingrédients formels de Chronicle : l’incursion du fantastique dans un monde qui nous est contemporain et familier (Star Wars dans une fête étudiante), un groupe de jeunes (le teen-movie) et les prises de vue amateurs pour donner cet effet d’un événement saisi sur le vif.