Bruno Podalydès, 2018 (France)
CRUCHE ASTUCIEUSE
Bécassine (curieuse Emeline Bayart) n’a pas la lumière à tous les étages mais n’en est pas moins fascinée par les grands lustres. Celui de ses maîtres (Karin Viard, Denis Podalydès) tombe cristal après cristal et l’endettement de la marquise de Grand-Air va bon train. Une frivolité en entraînant une autre et c’est la ruine. D’abord un spectacle de Guignol livré au domaine par Rastaquoeros (Bruno Podalydès), personnage à la fois maraudeur et généreux. Puis tout un domaine en spectacle et en artifices (de jolies idées en cet endroit) où les pétards fusent (parfois) et les maîtres déchantent (comme il faut). Bref, il arrive un moment où la marquise ne peut plus entretenir personne et se déleste de toute sa domesticité (où Podalydès se fait plaisir avec les seconds rôles), de la cuisinière qui n’a jamais trois minutes à passer devant un œuf à la coque en pleine cuisson (Isabelle Candelier), du chauffeur bricoleur et jardinier (Philippe Uchan), du majordome aux multiples références (Jean-Noël Brouté), de la tape-poussière Mademoiselle Châtaigne (Josiane Balasko). La maîtresse abandonne même en pensionnat la petite Loulotte auprès de laquelle Bécassine était devenue nounou et bien davantage.
Si l’entreprise nous rendait curieux et si le réalisateur de Liberté-Oléron (2000) avait presque d’avance gagné notre sympathie, cela ne fut pourtant pas sans passer par une phase de doute et de scepticisme mêlés, sans compter un ennui plutôt tenace que les drôleries du film ne parvenaient pas tout à fait à nous débarrasser. Le premier vol plané de Bécassine et le chant du coq français (sans doute possible) donnaient le la : une fantaisie en mode mineur. Les attentions de l’oncle Corentin (Michel Vuillermoz) à l’adresse de la petite Bécassine nous avaient alors paru vaguement charmantes. Le mirage de la tour Eiffel vaguement astucieux. La découverte des robinets d’eau (« eau, pas d’eau ») et surtout de l’électricité par Bécassine rappelait de très mauvais souvenirs, quoique fort lointains (le « jour, nuit » des Visiteurs de Poiré, 1993). Mais petit à petit, la candeur n’épargnant personne, on a fini par voir l’arbre bleu et lâcher prise. Et finalement, d’une dent de petite fille à une dent de petite fille, avec ses ballons lumineux à vœux volant, le film a fini aussi par s’éclairer un peu au dedans.
Oh, joli rattrapage final !
J’attendrais peut-être la sortie DVD pour voir la lumière bleue (ou avaler la pilule).