Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany’s)

Blake Edwards, 1962 (États-Unis)

La 5ième avenue est déserte lorsqu’un taxi dépose Audrey Hepburn devant Tiffany’s. Vêtue d’une robe noire, lunettes noires et café à la main, Audrey tout en élégance et en distinction flâne devant les vitrines du célèbre joaillier, ce qu’elle fait parfois, expliquera Holly Golightly son personnage, lorsqu’elle a le « rouge » (non pas le blues « quand on est grosse ou qu’il pleut », mais le rouge « Soudain, on a peur et on ne sait pas pourquoi »). Une musique embrasse la mélancolie de la scène, Moon river (d’Henry Mancini et Johnny Mercer) qui colle au film comme Le tourbillon à Jules et Jim de François Truffaut, sorti la même année et le même mois dans les salles françaises.

Holly est une fille simple qui s’est mis en tête d’épouser une inaccessible fortune et qui pour cela fréquente les milieux chics et modes. Mais lorsque les hommes deviennent trop prédateurs ce petit animal sauvage fuit, notamment chez son voisin du dessus, Paul (l’impeccable George Peppard) qui, lui, est intrigué par le côté fantasque de la demoiselle. Paul Varjak est écrivain, un peu gigolo (il est entretenue par une décoratrice qui lui rend de temps à autre visite) et tombe rapidement sous le charme d’Holly. Les scènes que partagent Holly et Paul sont assez irrésistibles : le vol d’une babiole dans une boutique, une dédicace incongrue à la bibliothèque… Paul, de son appartement, surprend Holly en train de chanter Moon river à sa fenêtre tout en s’accompagnant à la guitare. Le moment est empreint de tendresse. Mais apprivoiser cette jeune femme capricieuse n’est pas aisé (en cela, elle ne fait qu’un avec le facétieux M. le Chat qui partage son appartement). En s’installant à New York, Holly a voulu échapper à une vie maritale trop rigide en campagne. Elle semble préférer rester dans sa bulle, éviter les cadres et tirer des plans sur la comète. Paul tente alors d’attirer la jeune fille à lui…

Blake Edwards ne nous livre pas seulement une comédie sentimentale réussie, il infuse à travers cette histoire inspirée d’un roman de Truman Capote une bonne dose de fantaisie (la scène de la fête en est un concentré et n’est pas sans évoquer une autre Party sortie en 1969) qui rend le film tout bonnement incontournable.

7 commentaires à propos de “Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany’s)”

  1. Bel hommage à ce cher Blake Edwards qui vient de nous quitter à travers l’un de ses plus grands films.
    Effectivement, la scène de la fête (qui montre tout le talent comique du réalisateur et transforme cette comédie romantique douce-amère) me semble annoncer la Party.

  2. Ce n’est certes pas le plus grand rôle d’Audrey Hepburn parvenue au meilleur dans Wait until dark (Seule dans la nuit) qui la montre en jeune femme atteinte de cécité aux prises avec un homme qui veut la tuer ; heureusement, elle sait chaque recoin de l’endroit qui lui sert de cadre de vie et cela lui donne la possibilité d’affronter son agresseur. Je pense aussi que le film La rumeur dans lequel il est question de soupçons répandus sur des mœurs saphiques et de fausses accusations, et que The nun’s story qui aborde le thème du doute qui jaillit au cœur de l’engagement dans la vie religieuse sont les meilleurs rôles joués par Audrey, et j’y ajouterai sa prestation dans Comment voler un million de dollars ? auprès de Peter O’Toole et l’inoubliable comédie sentimentale Vacances romaines avec Gregory Peck (sans omettre Charade et My fair lady).

    Dans le genre relations sentimentales compliquées, il faut citer Voyage à deux, qui est beaucoup plus émouvant et plus profond que Diamants sur canapé, mais il est vrai que ce dernier est devenu un film-culte auquel on ne trouve pas de critique à adresser. Et puis Audrey est si belle dans ce film et la chanson Moon river nous fait craquer ainsi que la promenade matinale sur lequel l’œuvre s’ouvre.

    Beau moment de cinéma.
    Francois Sarindar

  3. Ce qui me plaît dans cette présentation du film, c’est que c’est la chose en soi qui est traitée, et qu’on ne parle même pas des écarts qui existent entre la nouvelle de Truman Capote et son adaptation à l’écran, et qu’on n’évoque pas non plus le fait que l’écrivain aurait voulu que le premier rôle fût tenu par Marilyn Monroe (certains disent que cette histoire lui aurait « collé comme un gant ») et qu’il aurait dû aussi être proposé à Kim Novak par Frankenheimer, et que c’est finalement, pour notre plus grand plaisir, Audrey qui le décrocha et que la réalisation fut signée Blake Edwards.

    On pourrait tout refaire avec des « si », belle uchronie, mais rien ne sert de rêver à ce que les choses auraient pu être si…, puisque nous avons ce magnifique résultat. Moment inoubliable et produit savoureux, à déguster pour lui-même.

  4. Et c’est d’ailleurs sur A. Hepburn que s’est fait spontanément (peut-être) votre premier commentaire et non sur Capote.

    Aujourd’hui on pense moins à Breakfast at Tiffany’s comme une histoire originale de l’écrivain américain mais véritablement comme un bijou de cinéma dont l’actrice d’ailleurs (sans penser à ce qu’il serait devenu avec d’autres) en magnifie l’éclat.

  5. Oui, c’est bien ainsi que je suis entré dans ce film, dès la première fois, c’est bien parce qu’il appartenait à la « filmographie » d’Audrey Hepburn, et de nulle autre. Elle a imprimé sa marque de cette façon, en passant de la « romance » un peu naïve de ses jeunes années (rôles qui lui allaient à ravir) à des réalités et des personnages plus complexes, ou moins lisses, confrontés à des situations plus dramatiques ou s’enfermant, comme ici dans un rêve qui pourrait provoquer des dégâts « collatéraux », et, heureusement, à la fin, la « morale » est sauve et l’issue heureuse : l’anti-héroïne ouvre les yeux sur le réel, et l’amour peut enfin naître avec celui qui peut le rendre possible. Est-ce la raison ou le coeur qui l’a emporté ?

    Edwards, Hepburn et Peppard réecrivent la fin de l’histoire, et l’on n’a plus rien à faire de celle imaginée par Capote. Holly a cessé de nous agacer et de nous (dé)plaire, elle ne nous fait plus la plaindre… Et peu importe si la « chute » redevient conforme à nos attentes et à nos conventions. Les comédies sentimentales ont cela de magique qu’elles peuvent rendre possible l’improbable. Nous n’aurions pas aimé être privé à l’écran d’une « happy end« .

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