Jean-François Richet, 2008 (France)
J’attendais beaucoup de l’adaptation cinématographique des sanglantes aventures du plus célèbre gangster français à ce jour, autant du film en lui-même que de la performance annoncée de Vincent Cassel : et par ces deux points je n’ai pas été déçu ! Et je suis même sorti de la salle totalement emballé.
L’image est somptueuse, c’est filmé à la manière des grands classiques du genre des années 1970, tels les deux volets de French connection de William Friedkin (1971 et 1975). Vincent Cassel (un des meilleurs acteurs français du moment) est tout simplement phénoménal. Ce rôle-là constituera très probablement un des sommets de sa carrière. Dans ce créneau de gangster de haut vol, à la fois violent, charismatique, psychopathe, attachant… Il est de toute évidence à la hauteur des plus grands et, pour donner un ordre d’idée de son époustouflante prestation, son interprétation de Mesrine, son jeu d’acteur en lui-même, le met à un pied d’égalité avec le De Niro des Affranchis (Martin Scorsese, 1990) ou le Pacino de Scarface (Brian de Palma, 1984).
L’instinct de mort passe à une vitesse folle. Il paraît même trop court (on comprend l’intérêt du diptyque). J’espère d’ailleurs qu’il existera une version longue, car malgré tout le bien que je pense du long métrage, il y a des raccourcis gênants… Je m’explique avec un exemple frappant : dans une scène, Mesrine accepte un braquage à première vue bien trop facile. La minute d’après, on le retrouve menottes aux poings en prison. On imagine donc que ça a mal tourné, mais de mon point de vue j’aurais aimé en savoir un peu plus. Et ces ellipses sont trop nombreuses.
Autre point discutable qui semble lié à la production (le producteur Thomas Langmann étant derrière ce projet très coûteux) : le casting. Personnellement, même si j’apprécie l’excellente prestation d’un Gérard Depardieu (qui crève une fois de plus l’écran) ou, dans une moindre mesure, celles de Gilles Lellouche et Cécile de France (et dans L’ennemi public n°1 apparaîtront Mathieu Amalric, Gérard Lanvin, Samuel Le Bihan, Ludivine Sagnier…), j’aurais préféré des acteurs moins renommés pour donner un aspect plus authentique et moins « pléiade de stars ». Fort heureusement, chaque comédien s’en tire à merveille et même les second rôles (Myriam Boyer et Michel Duchaussoy qui jouent les parents du gangster) jouent parfaitement. On est bien loin (ouf) de la débâcle d’un film tel que Les femmes de l’ombre (Jean-Paul Salomé, 2008) ou le jeu de certaines actrices, malgré leur notoriété, n’était pas forcément au rendez-vous…
Toutefois, ces petites réserves sont vite dépassées quand on repense à l’ensemble : Jean-François Richet livre un polar tout à fait excellent. De mémoire, sûrement un des tout meilleurs polars français (le meilleur ?) que j’ai vu et je pèse mes mots.
Un heureux concours de circonstances a fait que je suis retourné voir ce film et je confirme : c’est un pur chef d’œuvre de polar.
Cette deuxième séance m’a permis de mieux apprécier certains détails et toutes les subtilités du jeu des acteurs. Tout le début (qui commence par la fin) est impressionnant et donne d’entrée le ton sérieux et appliqué du film avec, à la manière d’un De Palma, un écran splitté en plusieurs parties et une musique solennelle de toute première qualité. Cette introduction très « vidéo-clip », assez longue, se termine d’une belle manière : après les derniers titres (noms des acteurs, réalisateur, producteur…), l’image, centrée en plus petit format, s’agrandit et s’étire sur toute la taille de l’écran. Le spectacle peut alors commencer. Vraiment, je le dis comme je le pense, un des tous meilleurs polars que j’ai jamais eu l’occasion de voir, et je ne parle pas seulement des polars français. Une « story of » épique qui parfois rappelle l’ascension et la chute des gangsters légendaires tels que Tony Montana ou encore Michael Corleone (une scène où l’on voit Mesrine bien habillé avec un cigare et des bretelles sur une chemise impeccable fait beaucoup penser au Parrain !). La partie de la prison canadienne fait, elle, penser à Prison Break ! Alors que je planche déjà sur « le meilleur de 2008 », je me dis finalement que les films français seront en tête d’affiche de mon classement personnel et, avec celui-ci, Deux jours à tuer, Paris, Il y a longtemps que je t’aime…
Je viens à contre-pied de ce qui vient d’être dit : pour moi ce film est navrant ! Je m’explique : aucune originalité, ni innovation dans la réalisation, l’écran splitté c’est du vu et revu. Ensuite, il y a ce déballage continu de violence sans aucune explication ; on n’est peu renseigné sur les liens qui unissent les personnages (ex : Mesrine/Jean-Paul Mercier), ni le pourquoi du comment des différents actes présentés (différents braquages, incarcération des deux personnages cités dans la même prison)… Sofia, la première femme de Mesrine disparaît tout à coup… Guido est assassiné mais on ne sait pas pourquoi… (si, pardonnez-moi, il ne faut pas réfléchir, c’est un film de gangsters !).
Puis le film contient de nombreuses incohérences pour un biopic : la pince coupante en bois à la place de la vraie… le retour de Mesrine en pick-up à la prison canadienne pour libérer ses compagnons de cellule (on se croirait dans un mauvais épisode de Mac Gyver !).
Pour couronner le tout, le film est accompagné d’une musique et de sonorités stridentes.
On ressort de la salle vidé, on a vu pendant deux heures des actes violents, parfois barbares, commis par « une bête » (aucune humanité dans ce Mesrine), et à lire les critiques qui nous annoncent que le deuxième volet de ces aventures sanglantes est moins bien que le premier, on est absolument sûr de ne pas s’y rendre dans un mois !
Comme quoi, les avis et les goûts divergent ! A la différence près que pour ma part je n’engage que mon seul point de vue en écrivant à la première personne : sur ce point-là je pense que le « on » qui englobe donc à peu près tout le monde n’est pas approprié ! « On est absolument sûr de ne pas s’y rendre dans un mois ! »: de mon côté, si, et je pense que je ne serai pas seul dans la salle ! 🙂
Sans aucun doute ! Une partie de la salle a applaudi !
Sans vouloir polémiquer sur l’utilisation des pronoms personnels, dans les deux premières lignes l’emploi du « je » montre bien qu’il s’agit là de mon avis personnel.
Pour revenir au film, ce qui me gêne, c’est cette absence d’explication, de narration, ce résumé superficiel de la vie du personnage et de son entourage, les sauts d’époques sans transition et toute cette accumulation de violence. Montrer de la violence pour montrer de la violence, quel est le but ? Rendre les gens haineux ?
D’autres réalisateurs ont su raconter la vie de gangsters de manière plus intéressante : Alain Corneau pour Le deuxième souffle (2007), Francis Ford Coppola pour Le Parrain (1972), Brian de Palma pour Les incorruptibles (1987). Dans ces œuvres, la musique est beaucoup plus mélodieuse et reste dans les mémoires !
Pour moi, le film de Jean-François Richet n’arrive pas à leur cheville !
Pour les films de l’année, dans ceux que j’ai le plus aimé, il en fera très certainement parti car je me suis vraiment régalé : j’adore ce genre et j’ai adoré Mesrine. D’un côté, c’est vrai que, comme je l’ai noté dans ma critique, malgré ces 2h, le film semble parfois être trop résumé et passe un peu (trop) rapidement d’un évènement à un autre pour suivre sa vie, son parcours de manière chronologique. Je pense donc que la version longue, si elle vient à venir, saura éclaircir certaines zones d’ombre. Le montage a dû forcément couper beaucoup de passages, ce qui est un peu dommage, mais les lois commerciales ont du avoir raison des lois artistiques (vive les dvd pour cela !). D’un autre côté, il n’y a pas de longueurs, la réalisation est très rythmée.
De plus, le numéro d’acteur de Vincent Cassel est proprement phénoménal et les scènes de violence me semblent inévitables quand on parle de Mesrine (pas de complaisance de ce côté-là), ce n’est pas le biopic de Coluche ! Justement, ce film n’est pas vraiment « grand public ».
J’ai aussi adoré la musique : forte, solennelle, grave, poignante, d’une ampleur dramatique très grande.
Bref, dans le cinéma français, je ne connais pas d’équivalent à Mesrine, même si dans un autre style de polar, j’adore les films d’Olivier Marchal qui me semblent bien plus cru et violent (en particulier le dernier en date, sorti en 2008, MR73, avec, là aussi, un exceptionnel numéro d’acteur de la part de Daniel Auteuil).