Coline Serreau, 1996 (France)
Entre La Crise (1992) et Chaos (2001), il y avait La Belle Verte. Une histoire qui tient sur pas grand chose, le passage sur Terre d’extraterrestres New Age qui veulent « déconnecter » une poignée d’humains, ce qui signifie les libérer d’une société moderne asservissante. Le récit suit donc le parcours de Mila (Coline Serreau elle-même) et ses rencontres variées dans les rues de Paris. Le film est ponctué de gags que déclenchent soit la difficile adaptation de l’étrangère babos à la vie terrestre, soit le comportement farfelu soudainement adopté par les personnes « déconnectées ». Ne cherchons pas la SF dans le film, Coline Serreau s’en moque. Les télécommunications entre planètes par exemple (avec les pieds dans l’eau et les pouces dans les oreilles) sont tournées en ridicule et malheureusement n’amusent pas.
La comédie est assez ratée, mais le discours lâché au milieu des années 1990 n’est pas sans intérêt : rejet du capitalisme et de la société de consommation, aspiration à une utopie fondée sur un grand respect de la nature, sur l’égalité entre les êtres, sur le partage et la prise de décision collégiale… On retrouve en fait beaucoup de la critique et de la société rêvée dans L’An 01 (1971) ; critique des industries pharmaceutiques et pétrochimiques, artificialisation des sols, critique de la télévision et d’autres thèmes. Par ailleurs, comme dans le film de Jacques Doillon, La Belle Verte est porté par un casting riche en figures aujourd’hui familières (Vincent Lindon, les toutes jeunes Marion Cotillard et Claire Keim, Didier Flamand, Patrick Timsit, Yolande Moreau, la très pincée Armelle et le tout petit Olivier Broche…).
Pour revenir sur la forme, quelques scènes se détachent malgré tout du reste. Je pense entre autres au monologue de Lindon excédé par un Francis Perrin conducteur de berline qui pète un plomb pour un rétroviseur retourné. Le générique aussi est assez beau avec ses gros plans d’animaux et ses regards humains. Les démonstrations d’acrobates surprennent encore un instant.
Faire du Puy-de-Dôme et de la Lozère une planète extraterrestre, puisque ce sont ces lieux de tournage qui représentent à l’écran la lointaine et verte planète, c’est plutôt singulier. Cela nous incite presque à penser les résistants du Larzac, des ZAD de Bure ou du Triangle de Gonesse comme des êtres venus d’ailleurs, des gens qui auraient eu suffisamment de recul pour voir clair et s’opposer aux grands nuisibles. La Belle Verte est dans l’ensemble un film raté, mais pas sans intérêt. Comme dans les années 1970, l’utopie se cherche une place, tandis que depuis, l’éco-anxiété, elle, s’en est trouvé une belle.