Cate Shortland, 2021 (États-Unis)
Il n’est pas bien difficile de saisir les quelques éléments qui font tout le propos du film. Un patron arrogant, bedonnant, au sommet de sa citadelle et derrière sa table de contrôle. Des jeunes femmes qui travaillent pour lui et ont subi pour cela tous les sévices. Les personnages sont russes pour servir un récit en cours et pour coller aux comic books qui l’inspirent, mais les faits auxquels ce Marvel-ci fait écho sont bien américains. La Guerre Froide et le Red Guardian sont des fausses pistes. Les hommes sont comparés à des cochons. #balancetonporc, Black Widow alias Scarlett Johansson fait davantage pour la cause des femmes que Wonder Woman et Captain Marvel réunies (le premier signé Patty Jenkins en 2017, le second Anna Boden, 2019). Ces dernières se contentent de revisiter les années 1990 ou 1980 pour le fun et sans aller plus loin (WW1984, second volet de la super-héroïne DC, Jenkins, 2020). Peut-être avaient-elles malgré tout préparé le terrain. L’introduction de Black Widow nous ramène à son tour dans la décennie 90 sur un fond de Smell like teen spirit sans aspérité ni saturation, ce qui est bien dommage. Cet énième épisode Disney-Marvel s’empare néanmoins d’un sujet d’actualité mieux qu’aucun autre épisode de la série et offre un propos qui sera mieux retenu que le divertissement en combo action-espionnage façon James Bond (Moonraker en citation, Lewis Gilbert, 1979). #MeToo pourraient donc clamer toutes ces filles prises dans les rais de l’infâme. À la suite de Natasha Romanoff, les veuves de la Chambre Rouge ont une identité à retrouver et pour cela un boss dont il faut se délier. On savait que Scarlett Johansson soutient Time’s Up, mouvement contre le harcèlement sexuel né à la suite de l’affaire Weinstein, on n’en est pas moins surpris de voir la super-héroïne qu’elle incarne galvanisée à l’empowerment féministe, précisément sur ce fond d’actualité.
J’avoue ne pas être si pressé de découvrir ce nouveau Marvel confit dans l’agit-prop, comme le fut en son temps le non moins dispensable Black Panther.
C’est vrai qu’en 2018 Black Panther se voulait faire référence à sa façon à la question noire américaine. Je l’ai un peu vite oublié. Mais le film de Coogler ne m’a pas semblé très cohérent (l’évocation du mouvement politique se brouille vite quand il s’agit de prendre parti pour la lutte armée, ou celle d’une émancipation en mode furtif dans le mythique Wakanda). En outre, je ne me souviens pas que le film mentionne une actualité se rapportant par exemple à Black lives matter (le fameux « I can’t breathe » était assez récent au moment de la production). C’est pourquoi Black widow m’est apparu plus directement en prise avec la vague de féminisme actuel.
En revanche, si les deux films m’ont intéressé pour traiter de manière sous-jacente ces sujets, les deux se valent à peu près en terme de divertissement, couleurs et fracas mais peu d’originalité sur ce point-là.